Investir dans les bandes dessinées ?
Plus ancienne que vous ne le pensez. L’histoire de la BD est étroitement liée à celle des journaux. Bien que les avis divergent, on admet généralement que la toute première BD telle que nous la connaissons aujourd’hui a vu le jour en 1895. Entre 1895 et 1898, la BD «The Yellow Kid» a été publiée dans le New York World , qui allait devenir plus tard le New York Journal . Même si le personnage habillé de jaune, imaginé et créé par Richard Oultcault, avait déjà fait précédemment son apparition dans quelques journaux politiques, c’était la première fois qu’une BD paraissait en annexe d’un journal. Le fait que le «garçon en jaune» s’exprime dans des phylactères était tout simplement révolutionnaire. Ce qui était au moins tout aussi étonnant est que l’on retrouvait à l’époque «The Yellow Kid» sur des paquets de cigarettes, des jouets, du whisky, des bougies, etc. Il s’agissait en d’autres termes d’un des premiers exemples de merchandising très lucratif…
Marvel Comics. C’est en octobre 1939, alors qu’éclatait la Seconde Guerre mondiale, que la maison d’édition Timely a publié le premier Marvel Comics , dans lequel apparaissait pour la première fois le super-héros surnommé «la Torche humaine». Ce premier comics a rencontré un succès incroyable. À peine deux ans plus tard, la BD «Captain America» , mettant en scène le super-héros du même nom, se vendait à plus d’un million d’exemplaires. Après la guerre, le secteur a quelque peu peiné à trouver son deuxième souffle. Il a en effet fallu attendre 20 ans et le début des années 1970 pour voir Marvel Comics de nouveau miser sur les BD faisant la part belle aux super-héros, au nombre desquels Spiderman, mais aussi les Quatre Fantastiques.
Europe. Dans les années 1920, certains magazines belges proposaient aussi des BD. Du côté francophone, il y avait ainsi la revue Le Boy Scout belge , et du côté flamand, le magazine Zonneland . Au début des années 1930, Georges Rémy, mieux connu sous le nom de Hergé, a véritablement fait œuvre de pionnier avec sa BD «Tintin au pays des Soviets». Tout aussi importante a été la création, par Jean Dupuis, de l’hebdomadaire Spirou , en 1938, suivie de la parution, en 1946, du journal Tintin . En France, c’était le magazine Pilote qui faisait autorité.
D’innombrables succès. Dans le sillage de Hergé, la BD a connu des heures de gloire, en France comme dans notre pays. De nombreux auteurs ont été lancés grâce à la publication de leur travail dans les magazines précités, ou parce qu’ils collaboraient dans les studios de grands maîtres : Morris, le père spirituel de Lucky Luke, André Franquin, le dessinateur de Spirou, Peyo, le père des Schtroumpfs, etc. Et puis, il y avait aussi les dessinateurs qui s’adressaient surtout au marché flamand : Willy Vandersteen (Bob et Bobette), Marc Sleen (Nero) et Jef Nys (Jommeke).
Des chiffres à donner le vertige. Même si le véritable âge d’or de la BD semble être terminé, 85 millions d’exemplaires ont encore été vendus en France en 2022, pour un chiffre d’affaires d’un peu plus de 920 M€. Et en Belgique francophone, ce sont encore 5 millions de BD qui ont quitté les présentoirs au cours de la même période. Selon différentes sources, la BD «Astérix» est actuellement la plus populaire, avec plus de 390 millions d’exemplaires vendus à l’échelle mondiale dans plus de 110 langues et dialectes : un record absolu.
Collectionneurs. L’époque où les collectionneurs pouvaient directement se rendre chez les héritiers et les membres de la famille des dessinateurs de BD (décédés) pour acheter des planches exclusives, des couvertures ou des exemplaires dessinés à la main est désormais révolue. Depuis le début du siècle, des maisons de vente aux enchères spécialisées ont mis la main sur le marché des BD, des plaques d’impression et autres exclusivités. Les plus belles collections sont actuellement entre les mains de la famille des auteurs. Lorsque de belles pièces sont disponibles, des sommes phénoménales sont déboursées pour les acquérir. Georges Lucas, réalisateur e.a. de Star Wars et Abyss , est ainsi un collectionneur passionné de plaques d’impression françaises. Son objectif serait à terme d’ouvrir un musée à Los Angeles.
La langue comme handicap. Bien que la Flandre compte de nombreux dessinateurs de BD de talent, la langue constitue souvent un problème en matière de valorisation. Le collectionneur qui se limite aux auteurs flamands peut certes se contenter d’un budget finalement abordable, mais à terme, la plus-value sera nettement moins spectaculaire que pour les auteurs francophones. C’est ainsi que, l’an dernier, un collectionneur a mis 2,1 M€ sur la table pour un dessin original en noir et blanc de la couverture de «Tintin en Amérique», et deux ans plus tôt, ce sont pas moins de 3 M€ qui ont été déboursés pour l’illustration en couleur du «Lotus bleu». À titre de comparaison, une première impression de l’album «Op het eiland Amoras» («L’île des Amoras») de Bob et Bobette s’est négociée il y a quelques années à un peu plus de 13 000 €.