Une abstention coupable peut nuire à votre assurance RC
Qu’est-ce que l’abstention coupable ?
C’est un délit (art. 422bis C. pén.) qui existe à quatre conditions : (1) une victime exposée à un péril grave ; (2) qu’une autre personne ne secourt pas ; (3) alors que cela ne lui ferait pas courir un danger sérieux ; et (4) que son refus d’aide est intentionnel. Il s’agit donc ici, comme disent les juristes, d’un délit qui requiert une intention de son auteur.
Il y en avait-il une en l’espèce ?
Les faits (selon les médias). Un homme âgé était arrivé chez un généraliste de garde en lui indiquant que sa femme, dans sa voiture, avait eu un arrêt cardiaque après s’être déjà plainte le matin de douleurs dans la poitrine. Le généraliste aurait seulement pris le pouls de la femme et attendu ensuite sept minutes avant de prévenir les urgences. «Il n’a rien entrepris d’autre et serait resté les bras croisés à attendre l’ambulance» , selon le ministère public. À l’arrivée des ambulanciers, la victime était toujours dans la voiture. Elle avait été immédiatement réanimée, survivant donc à son arrêt cardiaque, mais amenée dans un état critique à l’hôpital, elle y était décédée 18 jours plus tard des suites d’une anoxie cérébrale.
La décision : une condamnation sans peine. Le généraliste, poursuivi pour abstention coupable, avait été acquitté en première instance, mais l’affaire s’est poursuivie devant la Cour d’appel, qui l’a condamné, considérant que ce généraliste avait clairement commis une faute. Une réanimation plus rapide aurait pu sauver la vie de la victime. Selon le médecin légiste, celle-ci aurait même pu se rétablir complètement. Le généraliste ne lui a pas donné toutes les chances qu’elle aurait été en droit d’attendre d’un médecin. Cependant, bien que condamné, le généraliste n’a pas eu de peine effective, bénéficiant d’une suspension du prononcé.
Les conséquences potentielles ?
Des peines plus légères… Cela paraît peut-être étrange, mais les peines pour une abstention coupable (à l’origine d’un décès) sont en général moins lourdes que celles pour des coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort. Dans le premier cas, le Code pénal prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement et 500 € d’amende, alors que, dans le second cas, cela peut aller jusqu’à deux ans et 1 000 €.
… mais une exclusion de l’assurance. Même en ayant bénéficié d’une suspension de toute peine effective, la qualification d’«abstention coupable» (et donc de «délit intentionnel») peut vous poser problème en ce qui concerne votre assurance. S’il y a eu suspension, c’est que les faits ont été jugés prouvés, mais qu’aucune peine n’est prononcée à leur égard. La justice a donc bel et bien constaté que vous êtes coupable de «faits intentionnels». De ce fait, votre police d’assurance risque de ne pas couvrir le dommage subi par le patient, car la plupart des assureurs considèrent cela comme une faute intentionnelle (c.-à-d. une cause d’exclusion). Si le patient s’est porté partie civile au procès pénal et réclame un dédommagement, vous risquez donc fort d’avoir à l’assumer vous-même. Nous ignorons si, de cette affaire rapportée par les médias, la famille de la défunte l’a fait ou le fera…