RéGIMES MATRIMONIAUX - 01.02.2005

“Faire comme si” peut s’averer payant

La jurisprudence belge a récemment considéré ce qu’on appelle aux Pays-Bas “alsof-beding” (et qu’on pourrait traduire par clause de participation) comme un avantage matrimonial. Une telle clause permet à des conjoints mariés sous le régime de la séparation des biens d’épargner un montant important de droits de succession. Dans quelle situation une telle clause issue des Pays-Bas est-elle fiscalement intéressante ?

Le mécanisme de cette clause. Au point de départ, certains biens continuent à appartenir à un des conjoints, mais on prévoit dans le même temps que lors de la dissolution du régime matrimonial, un des conjoints pourra faire valoir des droits (p.ex. une créance) sur certains biens désignés préalablement. Ces conventions, prévues dans le contrat de mariage, sont dénommées “alsof-beding” (que nous traduirons par clause de participation). Concrètement, les époux sont mariés sous le régime de la séparation des biens, mais en cas de dissolution du régime matrimonial, p.ex. à la suite d’un décès, on fera comme s’ils étaient mariés sous un régime de communauté. Vous trouverez ci-après un exemple permettant de comprendre cette construction complexe.

Exemple. Jean et Anne se sont mariés relativement jeunes sous le régime de la séparation des biens. Jean a suivi les traces de son père et a développé l’entre­prise familiale, qui vaut aujourd’hui 2,5 millions d’euros. Son épouse Anne s’est toujours occupée du ménage et possède un immeuble composé de quatre appartements d’une valeur totale de 500 000 €. Vu l’activité indépendante de Jean, il leur a à l’époque été conseillé de se marier sous le régime de la séparation des biens afin d’éviter que les appartements soient un jour saisis par des créanciers si l’entreprise de Jean venait à connaître des difficultés financières. Ils possèdent donc ensemble un patrimoine de 3 millions d’euros : 2,5 millions d’euros pour Jean et 500 000 euros pour Anne. Cela a pour inconvénient que si Jean décède le premier, des droits de succession seront dus sur un montant de 2,5 millions d’euros.

Insérer une clause dite de participation dans le contrat de mariage. Si une clause de participation est insérée dans leur contrat de mariage, Anne obtiendra p.ex. lors du décès de Jean une créance sur sa succession d’un montant de 1 million d’euros. La masse totale s’élève en effet à 3 millions d’euros et Jean a en fait 1 million d’euros en trop. Grâce à une telle clause, on fera en effet “comme si” chaque conjoint recevait 1,5 millions d’euros. Anne économisera ce faisant des droits de succession sur 1 million d’euros lors du décès de Jean.

Différentes possibilités. Le grand avantage de cette construction est la souplesse avec laquelle les modalités de décompte peuvent être prévues. Vous pouvez déterminer librement la clé de répartition (p.ex. 50 %/50 %, 30 %/70 %, etc.) applicable en cas de décès. Vous pouvez aussi rendre cette clause réciproque (elle s’applique alors dans les deux sens) ou unilatérale (p.ex. uniquement en cas de décès du mari). On peut par ailleurs prévoir que cette clause sera obligatoire ou facultative (le conjoint survivant a dans ce dernier cas le choix de la faire appliquer ou non au décès du premier conjoint). Il peut en effet arriver qu’une clause entraîne finalement des effets fiscaux négatifs (p.ex. si le conjoint le plus jeune (et le plus “pauvre”) décède le premier de façon inattendue).

Jurisprudence récente. Il n’existe jusqu’ici que peu de jurisprudence relative à cette construction. Le Tribunal de première instance d’Anvers a rendu le 2 mai 2003 un jugement concernant une telle clause insérée dans le contrat de mariage de conjoints néerlandais établis en Belgique. Le tribunal a estimé que cette clause devait être considérée comme une donation imposable. Un appel a été interjeté contre ce jugement. La Cour d’appel d’Anvers l’a réformé dans un arrêt du 5 octobre 2004. Dans son arrêt, la cour d’appel a indiqué qu’il n’y a pas là de donation, mais bien un “avantage matrimonial” et que, dès lors, la créance (de 1 million d’euros dans notre exemple) est exonérée d’impôt.

Que retenir ? Les Néerlandais établis en Belgique ne sont pas les seuls à pouvoir tirer avantage d’une telle clause, qui combine les avantages d’un régime de séparation des biens et une protection fiscalement avantageuse du conjoint survivant. Une telle construction est principalement intéressante s’il existe une grande différence entre l’importance des patrimoines des conjoints, tout particulièrement si le conjoint “pauvre” est également le plus jeune et vivra vraisemblablement le plus longtemps. Il n’existe cependant que peu de jurisprudence concernant cette problématique, de sorte qu’il est particulièrement important de se procurer le cas échéant un avis approfondi. Cette stratégie devra également le cas échéant être revue si d’autres décisions judiciaires devaient la remettre en cause sur l’un ou l’autre plan.

Une “clause dite de participation” permet de réaliser un planning successoral “sur mesure” et de réaliser une substantielle économie de droits de succession. Une telle construction doit surtout être envisagée si le conjoint qui vivra vraisemblablement le plus longtemps possède le patrimoine le moins important (p.ex. dans le cas où l’entreprise familiale est uniquement au nom du conjoint “le plus âgé”). La Cour d’appel d’Anvers a accepté de traiter cette construction comme un avantage matrimonial. Il n’est cependant pas encore tout à fait sûr que cette jurisprudence se confirmera. Soyez donc prudents et discutez-en avec votre notaire ou votre conseiller fiscal.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878