Jusqu’à quel point vous sont-ils fidèles ?
Un pharmacien avait constitué une société en 1986. Il avait vendu sa clientèle à cette société, qui l’avait amortie sur 10 ans. En 1997, elle avait vendu cette clientèle. Comme celle-ci était déjà complètement amortie à ce moment-là, la société devait être, en principe, immédiatement imposée sur la totalité du prix de vente (plus-value). Pour l’éviter, elle avait voulu étaler l’imposition de cette plus-value sur les exercices suivants, en réinvestissant la totalité du prix de vente de sa clientèle dans les 3 ans.
Position de l’Administration
Le fisc refuse toutefois l’imposition étalée de la plus-value. D’après lui, en effet, la société n’avait pas vendu la clientèle achetée au pharmacien, mais bien une nouvelle clientèle qu’elle s’était constituée au fil des ans. Or, la loi (art. 47 CIR) prévoit expressément l’impossibilité d’étaler l’imposition de la plus-value réalisée sur une nouvelle clientèle. Dès lors, le montant total de cette plus-value était imposable immédiatement.
Position du juge
Le tribunal donne raison au fisc. Comme la société avait amorti complètement la clientèle qu’elle avait achetée, elle reconnaissait que cette clientèle avait disparu et n’existait plus au moment de la vente. La clientèle qu’elle avait vendue en 1997 ne pouvait dès lors être qu’une clientèle nouvelle, qu’elle s’était constituée. La plus-value réalisée sur une telle clientèle ne pouvait dès lors pas bénéficier d’une imposition étalée.
Commentaire
L’imposition étalée. Le recours au régime d’imposition étalée d’une plus-value, qui existe tant pour les personnes physiques que les sociétés, est fréquent en raison de son avantage financier. L’imposition est en effet étalée dans le temps, alors qu’il faut sinon l’acquitter en une fois.
Condition. Une des conditions d’une telle imposition étalée, c’est l’amortissement de l’investissement. Cela explique qu’une plus-value réalisée sur une clientèle que le contribuable s’est lui-même constituée ne peut bénéficier d’une imposition étalée. En principe, cette clientèle n’apparaît pas dans la comptabilité et ne peut dès lors pas être amortie. Par contre, une clientèle acquise (comme en l’espèce) est comptabilisée et donc amortie, de sorte que cette condition de l’imposition étalée est en principe remplie.
Des clients fidèles ? Pour le tribunal, cela ne suffit toutefois pas. D’après lui, il faut aussi voir, même pour une clientèle acquise, si cette clientèle est encore présente au moment de la vente. Ce faisant, il ajoute cependant une condition à la loi, ce qui est illégal. Cela impliquerait l’impossibilité totale d’imposer de façon étalée la plus-value réalisée sur une clientèle amortie, ce qui n’était pas dans les intentions du législateur.
D’autres décisions. Il n’est dès lors pas étonnant que d’autres tribunaux ont abouti à une décision toute autre dans des affaires similaires. Ainsi, la Cour d’appel d’Anvers (dans une affaire concernant aussi la société d’un pharmacien !) a décidé que la plus-value réalisée sur une clientèle achetée et amortie pouvait bénéficier d’une imposition étalée, alors même que la société avait étoffé cette clientèle dans l’intervalle (Anvers, 21 octobre 2003). Pour obtenir l’imposition étalée, il suffit que la société ait amorti la clientèle qu’elle a acquise et que le fisc ait admis ces amortissements.
Les abonnés peuvent obtenir le texte original (en néerlandais) de ce jugement (code IM 11.07.06) via la Banque de documents sur http://impots.indicator.be, par fax au 016/35 99 22 ou par courriel à redaction@indicator.be