La guillotine fiscale en fin de parcours ?
Vous êtes le nu-propriétaire d’un immeuble et votre société en est l’usufruitière. Au terme de son usufruit, vous en devenez le plein propriétaire et le vendez. Serez-vous alors imposé sur la plus-value que vous réaliserez ?
Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans cette lettre la construction, si intéressante sur le plan fiscal, où votre société achète l’usufruit d’un immeuble pour p.ex. 15 ans et vous-même sa nue-propriété. Au terme de l’usufruit de votre société, vous devenez le plein propriétaire de cet immeuble. Si vous le vendez dans les 5 ans avec plus-value, celle-ci sera-t-elle imposée ?
Votre plus-value imposée ?
Le propriétaire d’un immeuble paie en principe 16,5 % d’impôt sur la plus-value (le bénéfice) qu’il réalise en le vendant dans les 5 ans qui suivent son achat. Sauf s’il s’agit de sa propre habitation (code 100 de la déclaration IPP). Là, cette plus-value est exonérée d’impôt. Mais supposons qu’il s’agisse ici d’un immeuble de bureaux ou de rapport, d’un entrepôt, etc. Il est alors crucial de savoir quand ce délai de 5 ans commence à courir (art. 90 10°, art. 91, art. 93bis et art. 101 § 2 CIR).
Bonne nouvelle. Selon nous, le nu-propriétaire est devenu propriétaire de l’immeuble au moment où il en a acheté la nue-propriété. Pourquoi ? Car l’usufruitier n’est pas propriétaire : il n’a qu’un droit de jouissance sur l’immeuble (durant p.ex. 15 ans). Dans le Code civil, on parle même simplement de “propriétaire” pour désigner le nu-propriétaire (à l’art. 578 C. Civ.). Donc, au terme de l’usufruit, le nu-propriétaire est déjà propriétaire depuis 15 ans, de sorte que sa plus-value ne saurait être imposée s’il vend l’immeuble après que l’usufruit ait pris fin.
Mais… il y a les revenus divers
L’usufruit ayant pris fin, vous vendez un immeuble de votre patrimoine privé que vous détenez en pleine propriété, sans aucune conséquence en principe. Toutefois, si vous avez recouru à cette construction pour plusieurs immeubles, que vous vendez sur une période de p.ex. 1 ou 2 ans, vous pourriez rencontrer un autre problème : celui des “revenus divers”, du fait que vous n’agissez alors plus comme le ferait n’importe quel “bon père de famille”.
Gare alors à la sanction. En effet, car votre plus-value serait imposée à 33 % (art. 90 1° CIR). Quand pourrait-elle constituer un “revenu divers” ? C’est une question de fait. Pouvez-vous vendre une ou trois maisons en deux ans ? Hélas, il n’y a pas de règle mathématique. On est ici en pleine insécurité juridique.
Un bon conseil. Acheter ainsi l’usufruit et la nue-propriété de plusieurs immeubles pour les revendre en masse 15 ans plus tard, ce n’est donc pas du tout une bonne idée.
Et des revenus professionnels ? Une telle vente d’immeubles ne pourrait-elle pas même générer des revenus professionnels imposables aux taux progressifs ? Selon nous non, sauf si toute une infrastructure était mise en place pour l’organiser, de façon quasi professionnelle.
Une note positive
Si vous souhaitez générer des liquidités à “consommer” en bout de course, vous pourrez naturellement toujours louer ces immeubles devenus privés et vivre des loyers. Autre possibilité : une location à très long terme assortie d’une option d’achat. Les pistes ne manquent pas. Il s’agira de trouver une solution ad hoc, compte tenu de l’état de la fiscalité à ce moment-là.