POSITION DU JUGE - 15.05.2006

Puis-je acheter votre compte courant ?

Une société est déficitaire. Pour la maintenir en activité, les actionnaires y injectent près de 200 000 €. Leur compte courant présente donc, de ce fait, un solde créditeur appréciable. En dépit de cette injection de capitaux frais, les choses ne tournent pas bien pour la société, au point même que les actionnaires finissent par vendre leurs actions à deux experts-comptables.

Ces actions sont vendues à vil prix et les comptes courants transférés aux nouveaux actionnaires sans contrepartie. Ces derniers modifient l’objet social, augmentent le capital et nomment d’autres gérants.

Lancée dans sa nouvelle activité, la société se porte à présent bien. Tellement bien que, finalement, les comptes courants sont remboursés aux (nouveaux) gérants. En exemption d’impôt, ce qui ne plaît pas du tout au fisc…

Position de l’Administration

Le fisc soutient que le remboursement des comptes courants est “simulé”, en l’absence d’une base sous-jacente. En fait, dit-il, il n’y a pas de remboursement d’une dette de la société, mais simplement une distribution de bénéfices : l’opération s’apparente plutôt à la distribution d’un dividende, passible par conséquent de l’impôt des sociétés, puis du précompte mobilier.

Position du juge

La Cour d’appel voit les choses autrement. Il appartient au fisc, dit-elle, de prouver la simulation et celui-ci reste en défaut de le faire. En l’espèce, il y avait bel et bien eu une cession d’actions, le registre des actions avait été adapté, le prix des actions payé, etc. Bref, toutes les règles avaient été respectées.

Le fisc ne peut pas déduire ainsi la simulation du paiement d’un prix limité pour les seules actions. De même, le fait qu’aucun prix particulier n’ait été convenu pour la cession des comptes courants est insuffisant pour qu’on puisse conclure à une simulation. Au contraire, estime la Cour, le fait que la société ait remboursé ultérieurement les crédits en compte courant aux actionnaires indique précisément que les parties en cause ont accepté toutes les conséquences de leurs actes.

Commentaire

C’est donc possible. La cession d’une société où le compte courant des associés présente un fort solde créditeur est très attrayante, car cela permet aux gérants ou aux administrateurs de retirer de l’argent de la société en exemption d’impôt, sans avoir à le faire sous la forme d’une rémunération ou d’un dividende, au régime fiscal bien moins attrayant naturellement. Un motif qui conduit régulièrement à céder des sociétés qui sinon sont pour ainsi dire des “coquilles vides”.

Conseil. De telles cessions ne posent donc, semble-t-il, pas de problème si elles se font dans les règles, à savoir en veillant à établir un contrat de cession d’actions en bonne et due forme et bien ficelé, en signant le registre des actions et en cédant les comptes courants de façon formelle.

Attention ! Bien que la Cour ait statué en l’espèce en faveur du contribuable, nous estimons que les termes de la cession des comptes courants devraient plutôt être réglés en toutes lettres dans la convention de cession.

Les abonnés trouvent cet arrêt (version originale rendue en néerlandais) sur http://impots.indicator.be ou peuvent le demander par fax (016/35 99 22) - code IM 12.14.07.

Si vous reprenez les actions d’une société où les comptes courants présentent un solde créditeur substantiel, le fisc ne peut pas assimiler ainsi le paiement d’un prix limité à une simulation. Il est toutefois impératif que la cession (vente des actions et des comptes courants p.ex.) soit juridiquement bien étayée.

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