Vendre l’usufruit avant son terme ?
Une société avait acheté l’usufruit d’un immeuble pour une durée de 18 ans et un prix de 132 000 €, tandis que son gérant et sa femme en avaient acheté la nue-propriété. Quelques années plus tard, l’usufruitière et les nus-propriétaires avaient vendu cet immeuble ensemble pour 300 000 €. La société était partie du principe que sa part du prix de vente correspondait à la valeur comptable de son usufruit.
Position du fisc
Le fisc avait réévalué l’usufruit jusqu’à son terme, partant de la valeur locative de l’immeuble au moment de sa vente et compte tenu d’une actualisation de 4 % et d’une indexation de 2 %. Il avait ajouté la différence entre la valeur ainsi recalculée de l’usufruit et sa valeur comptable au bénéfice imposable de la société, à titre «d’avantage anormal ou bénévole».
Position du juge
Le Tribunal de Louvain suit le fisc. Celui-ci a à bon droit imposé la société sur la partie excessive du prix de vente qu’avaient recueillie les nus-propriétaires (art. 26 CIR 92) . Le tribunal exclut l’imposition de cet excédent chez les nus-propriétaires à titre de revenu professionnel ou divers. La vente d’un immeuble grevé d’un usufruit est en effet une opération normale de gestion du patrimoine privé.
Commentaire
Scinder le prix. En principe, il est intéressant que la part la plus élevée possible du prix de vente aille au gérant nu-propriétaire et la part la plus petite possible à la société usufruitière : la «plus-value» (bénéfice) n’est pas imposable pour le gérant, mais bien pour la société. Donc, plus petite est la plus-value de la société, mieux c’est.
Mais ce doit être correct...Il s’agit de ne pas exagérer... En cas de vente d’un immeuble dont la propriété est démembrée avant la fin de l’usufruit y afférent, une part «correcte» du prix doit aussi aller à la société usufruitière. Aussi faut-il calculer à nouveau la valeur de l’usufruit au moment de la vente d’après la valeur locative à ce moment-là et les années restant à courir de l’usufruit. Le prix de vente de l’immeuble est alors réparti entre l’usufruitière et le nu-propriétaire d’après ce nouveau rapport usufruit/nue-propriété.
Et si votre part est trop grande ? En principe, le fisc pourrait dire que cet excédent, étant allé au gérant nu-propriétaire, constitue pour lui un avantage de toute nature, donc de la rémunération à imposer aux taux normaux, soit jusqu’à 50 % (plus assujettissement aux cotisations sociales).
Conseil. Suivant ce jugement modéré, cet excédent n’est pas imposable chez le gérant, ni à titre de revenu professionnel, ni à titre de revenu divers, mais chez la société à titre d’avantage anormal ou bénévole. Une solution avantageuse pour le gérant de cette société...
Attention ! Il y a de grandes chances que d’autres juges soient moins modérés. Consacrez donc toute l’attention nécessaire à faire procéder à une évaluation correcte de l’usufruit de votre société.
Vous trouvez le jugement du Tribunal de Louvain du 11.09.2015 (décision originale en néerlandais) sur http://astucesetconseils-impots.be/annexe - code IM 22.03.06.