TECHNIQUES DE DONATION - 10.07.2017

Alternatives «créatives» au don bancaire : prudence ?

Les Belges sont de plus en plus nombreux à imaginer des «alternatives» au don bancaire classique pour contourner le délai de trois ans et/ou conserver le contrôle sur les biens donnés. Le rêve fiscal de bon nombre de donateurs est en effet de pouvoir donner, mais sans frais et sans perte de contrôle.

Quelles sont les techniques les plus couramment utilisées en pratique et quelles sont celles qui constituent une alternative sûre et efficace ?

Le déguiser en prêt

Don bancaire classique

Une donation des parents vers les enfants prend le plus souvent la forme d’un transfert d’argent d’un compte bancaire à un autre. Le virement doit être fait sans communication. Le fait qu’il s’agit d’un don bancaire ressort par la suite des classiques lettres recommandées ou du pacte adjoint. L’inconvénient d’un don bancaire, c’est que le donateur doit encore rester en vie pendant trois ans. À défaut, des droits de succession devront être payés sur le montant de la donation.

Le déguiser en prêt ?

Certains tentent de «camoufler» le don bancaire en inscrivant comme communication du virement «prêt». Ils partent du principe qu’il ne s’agit alors pas d’un don bancaire, et que le montant qui a fait l’objet du virement ne sera pas imposé en cas de décès dans les trois ans. Rien n’est moins vrai. En cas de décès, ce «prêt» fera partie de l’actif de votre succession. Vous disposez en effet d’une créance à l’égard de votre enfant. Ce dernier devra donc reprendre le montant total de cette créance dans la déclaration de succession, même une fois le délai de trois ans dépassé, à moins qu’il n’ait remboursé ce «prêt».

Problèmes a posteriori : quelle solution ?

Si vous avez inscrit «prêt» comme communication de votre virement, vous n’évitez donc pas le délai de trois ans. Pire encore, aussi longtemps que ce «prêt» n’est pas remboursé, il fera partie de votre succession et sera donc soumis aux droits de succession. Et ce n’est pas tout, les autres héritiers pourront encore exiger le remboursement de ce «prêt». La donation que vous souhaitiez faire de cette manière à votre enfant est dès lors compromise. Si vous avez dans le passé indiqué «prêt» comme communication d’un versement alors que vous souhaitiez en réalité effectuer une donation, vous pouvez régulariser la situation en accordant une remise de dette.

Remise de dette

Donation contrôlée via un prêt

Lorsque les parents souhaitent aider leurs enfants pour l’achat ou la rénovation d’une maison, ils souhaitent souvent s’assurer que l’argent sera effectivement utilisé dans ce but précis. Ils accordent alors un prêt (sans intérêt). Certains parents procèdent aussi de la sorte parce qu’ils ne sont pas certains de ne plus jamais avoir besoin de cet argent. La nature de ce transfert d’argent (prêt) est alors indiquée en communication du virement et les termes de l’accord sont parfois sommairement couchés sur papier. Après les travaux ou l’achat du bien immobilier, les parents peuvent éventuellement décider d’octroyer une remise de dette. À condition de procéder correctement, il s’agit là d’une manière efficace et sûre de faire une donation «contrôlée».

Pacte adjoint

Si vous décidez d’octroyer une remise de dette, mieux vaut établir un pacte adjoint. Une remise de dette constitue en effet une donation indirecte et dès le moment où la remise de dette est établie, le délai de trois ans commence à courir, comme pour un don bancaire non enregistré. Pour cela, vous pouvez utiliser les lettres recommandées classiques ou le pacte adjoint. Le délai de trois ans court à compter de la date de la remise de dette. Si vous optez pour un pacte adjoint, envoyez-en un exemplaire par recommandé pour qu’il ait une date «semi-certaine».

Retrouvez un modèle sur http://astucesetconseils-dirigeantchevronne.be/annexe  – code DC 09.04.18.

«Donner, c’est donner» ?

Donation : irrévocable

La loi stipule expressément qu’une donation est irrévocable (art. 894 C. civ.) . Ce principe n’accepte des dérogations que dans de rares circonstances (donations entre époux faites pendant le mariage et en dehors du contrat de mariage ; non-respect des conditions de la donation par le donataire ; ingratitude). Le donateur ne peut donc en règle générale pas faire marche arrière. Il pourrait malgré tout arriver que des parents souhaitent revenir sur une donation qu’ils ont effectuée, p.ex. parce qu’ils ont un besoin urgent de cash ou parce qu’ils craignent que leur enfant fasse «des bêtises» avec l’argent donné.

L’astuce de la carte bancaire ?

Une technique régulièrement utilisée est le versement par les parents d’argent sur un compte bancaire des enfants dont ils possèdent une carte bancaire. Ils peuvent ainsi retirer de manière anonyme de l’argent via Bancontact. Nous déconseillons vivement de procéder de la sorte. Cela va tout d’abord à l’encontre de l’irrévocabilité des donations (puisque les parents peuvent à tout moment récupérer leur argent). Le contrôle sur l’argent donné n’est en outre pas garanti du tout (puisque les enfants peuvent retirer l’argent du compte et/ou faire bloquer la carte bancaire).

«Don élastique»

Le «don élastique» a le vent en poupe ces derniers temps : les parents demandent à leurs enfants d’ouvrir, chacun séparément, un nouveau compte auprès d’une banque sur lequel les parents reçoivent une procuration. Les parents versent ensuite de l’argent sur chaque compte. L’objectif est le suivant : le compte ne sera utilisé pour rien d’autre et le montant restera simplement dessus jusqu’au décès des parents. L’argent se trouve dans ce cas déjà au nom des enfants et les parents peuvent, par le biais de la procuration, encore accéder à cet argent s’il s’avère qu’ils en ont tout de même encore besoin par la suite.

Fiscalement, cette technique ne présente aucun avantage par rapport au don manuel ou bancaire classique, puisqu’après le virement bancaire, le délai de trois ans reste pleinement applicable. En outre, cette technique pose de sérieuses questions sur le plan juridique. Une donation est en effet irrévocable. En joignant d’emblée au nouveau compte une procuration, la donation pourrait être considérée comme nulle. Les parents peuvent en effet à tout moment reprendre leur argent et défaire la donation. De plus, des discussions pourront également naître plus tard concernant l’intention de ce virement bancaire. Etait-ce un prêt ou une donation ? Cette technique est en fait une mauvaise version du classique, mais efficace, don bancaire. Cette technique n’est donc pas à conseiller.

Registre des actionnaires

Les actions d’une société familiale sont parfois données par une adaptation du registre des actionnaires. Une donation faite par le biais d’une inscription au registre des actionnaires n’est toutefois pas régulière. Elle pourrait donc être contestée après votre décès par vos héritiers (s’ils ne s’entendent pas p.ex.). En outre, si vos enfants ne peuvent pas prouver que la donation a été faite plus de trois ans (parfois même sept) avant votre décès, ils devront payer des droits de succession sur ces actions. Mieux vaut éviter ce risque, d’autant plus que les actions d’une entreprise familiale peuvent être données devant notaire au taux réduit de 0 %. Et si vous souhaitez éviter les frais de notaire, vous pouvez donner à vos enfants l’argent nécessaire à l’achat des actions par don bancaire.

Conseils

  • Déguiser un don bancaire en prêt n’a aucun sens. Tant que l’emprunt n’est pas remboursé, il fait partie de votre succession et est donc soumis aux droits de succession (même après le fameux délai de trois ans).
  • Si vous donnez de l’argent pour l’achat d’une maison p.ex., le prêt de cet argent suivi d’une remise de dette est une solution efficace pour garder le contrôle sur l’utilisation des fonds. Réservez-vous une preuve de cette remise de dette, et envoyez ce document par recommandé pour lui donner une date «semi-certaine».
  • Il est déconseillé, tant pour des raisons pratiques que juridiques, de procéder au versement d’argent sur un compte bancaire de vos enfants tout en conservant une carte bancaire ou une procuration pour pouvoir récupérer l’argent si nécessaire.
  • La donation d’actions d’une entreprise familiale via une inscription au registre des actionnaires est en principe nulle. Si vos héritiers n’arrivent pas à prouver au fisc que la donation a effectivement été faite la date exacte d’inscription au registre, cela pourrait donner lieu à une discussion concernant le délai de trois ans.

Contact

Larcier-Intersentia | Tiensesteenweg 306 | 3000 Louvain

Tél. : 0800 39 067 | Fax : 0800 39 068

contact@larcier-intersentia.com | www.larcier-intersentia.com

 

Siège social

Lefebvre Sarrut Belgium SA | Rue Haute, 139 - Boîte 6 | 1000 Bruxelles

RPM Bruxelles | TVA BE 0436.181.878