CESSION D’ENTREPRISE - 09.10.2017

Lettre d’intention : comment éviter qu’elle ne devienne un contrat qui vous lie ?

Lors d’une reprise, il arrive souvent que l’on signe déjà une lettre d’intention dans les premiers stades de négociation. Quelles sont les clauses les plus fréquentes dans ce type de document et à quoi faut-il prêter attention ?

Comment éviter qu’en signant cette lettre d’intention, vous ne créiez en réalité un contrat qui vous lie obligatoirement ?

Lettre d’intention

Beaucoup de formes et de dénominations

Letter of intent, déclaration d’intention, heads of agreement, memorandum, understanding, term sheet, etc. Tous ces termes sont indifféremment utilisés pour désigner plus ou moins la même chose. Les parties souhaitent par-là, le plus souvent d’une manière qui ne les lie pas encore, faire une esquisse de ce qu’ils souhaitent voir mentionné dans le contrat de reprise. Chaque dénomination a ses spécificités et parfois ses conséquences propres, mais elle a moins d’importance que ce qui se trouve effectivement repris dans le document. C’est le contenu du document qui déterminera en effet s’il contient ou non des engagements juridiquement contraignants.

Une lettre d’intention peut en outre revêtir de nombreuses formes et être très courte, ou au contraire très longue. Comme vendeur toutefois, évitez les lettres d’intention trop détaillées si vous souhaitez pouvoir vous rétracter.

Parties et objet

Une lettre d’intention prend souvent la forme, comme l’indique son nom, d’une lettre qu’une des parties (l’acheteur ou le vendeur, selon que l’initiative vient de l’un ou l’autre) adresse à l’autre, dans laquelle est repris l’intérêt des parties dans l’objet de la vente envisagée (les actions, le fonds de commerce, une branche d’activité, un ou plusieurs actifs déterminés).

Prix

Une lettre d’intention reprend presque toujours une ou plusieurs dispositions relatives au prix. Ces dispositions peuvent prévoir un prix fixe (provisoire ou non) ou une méthode de calcul de prix (p.ex. un multiple de l’EBITDA, une moyenne pondérée de différentes méthodes de calcul, etc.). Si vous y indiquez déjà un prix concret et que vous reprenez des dispositions relatives aux délais de paiement, à une éventuelle garantie bancaire, etc., vous vous rapprochez d’un contrat juridiquement contraignant.

Timing et audit

Une lettre d’intention établit généralement un plan des négociations. Le candidat acquéreur y inclut souvent aussi la possibilité de réaliser un audit ou une due diligence, ainsi que la possibilité d’interrompre les négociations si l’audit venait à révéler des données incompatibles avec les attentes du candidat acheteur.

Exclusivité et durée

Si le candidat acheteur souhaite, comme c’est très souvent le cas, que le vendeur ne négocie pas avec d’autres parties, il demandera une période d’exclusivité. Comme vendeur, cette période d’exclusivité n’est pas toujours une bonne chose, et vous pourriez préférer pouvoir mettre en concurrence plusieurs parties pendant les négociations. Dans ce cas, vous refuserez bien entendu une telle clause.

N’oubliez pas de préciser dans la lettre d’intention quelle sera sa période de validité : longue si vous prévoyez un audit compliqué et d’âpres négociations ; courte si vous êtes pressé par le temps.

Confidentialité

Il est indispensable, particulièrement pour le vendeur, que la lettre d’intention contienne une clause de confidentialité juridiquement contraignante. Cette clause pourra concerner tant l’existence-même des négociations que leur contenu et toutes les informations confidentielles transmises par le vendeur au candidat acheteur. Vous pouvez également prévoir que les informations transmises seront, si possible, anonymisées. Le candidat acheteur souhaitera certainement, dans un stade plus avancé des négociations, que celles-ci soient rendues publiques. Quoi qu’il en soit, faites en sorte de rendre la clause de confidentialité contraignante et assortissez-la d’une clause pénale forfaitaire (importante).

Déclarations et garanties

Les «representations and warranties» (déclarations et garanties) finales et détaillées sont généralement reprises dans le contrat définitif, mais la lettre d’intention peut déjà mentionner que les déclarations et garanties d’usage seront données par le vendeur. Si vous souhaitez, comme candidat acheteur, que certaines garanties spécifiques soient mentionnées dans le contrat de reprise parce qu’elles ont pour vous un caractère déterminant, reprenez-les déjà dans la lettre d’intention.

Autres conditions

Chaque partie peut aussi décrire sommairement certaines conditions qui devront être reprises dans le contrat définitif. Prévoyez p.ex. qu’une interdiction de concurrence sera imposée, que l’organe de gestion sera révoqué et que décharge lui sera donnée. Vous pouvez également envisagez des conditions suspensives (p.ex. en conditionnant la reprise à l’approbation du conseil d’administration de la société reprise) et résolutoires.

Caractère contraignant

Pas contraignant ?

La lettre d’intention désigne généralement quelles sont les dispositions ayant un caractère juridiquement contraignant et quelles sont celles qui expriment simplement l’intention des parties pour la poursuite des négociations. Soyez très prudent en la matière. En droit belge, un contrat de vente/achat (juridiquement contraignant) existe dès qu’il a y accord sur l’objet, sur le prix et sur les autres conditions essentielles pour les parties (Cass. 12.06.1980) .

Si vous ne souhaitez pas être lié par votre lettre d’intention, prévoyez une clause qui stipule que le prix (ou la clause de fixation du prix) n’est pas encore définitif, et que l’objet sera encore sujet à des négociations. Sans prix ou objet déterminé, pas de contrat. Vous pouvez également indiquer que certaines conditions qui sont pour vous essentielles (concernant les immeubles, le personnel, le sol, etc.) doivent encore être négociées. Prévoyez enfin que les parties, en ce qui concerne l’achat/la vente, ne seront définitivement juridiquement liées qu’une fois la signature du contrat de reprise apposée. N’oubliez pas que les dispositions relatives à la confidentialité et à l’exclusivité doivent être contraignantes. Précisez-le donc expressément.

Rupture des négociations

La rupture «intempestive» de négociations déjà bien avancées peut, si rien n’a été prévu à ce sujet, mener au versement d’une indemnité de réparation par la partie qui a mis fin aux négociations. Si vous voulez rester libre pendant toute la durée des négociations, prévoyez expressément la possibilité d’y mettre fin à tout moment sans motif et sans indemnité à la contrepartie.

Tribunal compétent

En cas de conflit, il est important d’avoir déterminé au préalable le droit applicable (surtout lorsqu’une des parties est établie à l’étranger). Compte tenu de la confidentialité des discussions, on optera souvent pour l’arbitrage.

Conseils

  • En droit belge, un contrat de vente/achat contraignant existe dès qu’il y a accord sur l’objet, le prix et les autres conditions essentielles pour les parties. Des dispositions détaillées sur les délais de paiement, une garantie bancaire, etc. se rapprochent d’un contrat juridiquement contraignant.
  • Si vous voulez éviter d’être lié, optez pour une fourchette de prix, ou indiquez que le prix ou la clause de fixation du prix devra encore faire l’objet de négociations. Prévoyez en outre expressément que les parties ne seront définitivement liées qu’une fois le contrat de reprise signé.
  • Reprenez dans la lettre d’intention une clause donnant la possibilité de mettre fin aux négociations à tout moment, sans motif et sans indemnité.
  • Indiquez expressément quelles sont les dispositions de la lettre d’intention qui ont un caractère contraignant pour les parties (p.ex. confidentialité, exclusivité).

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