FRAIS PROFESSIONNELS - FRAIS EXAGÉRÉS - 12.10.2017

Quand le fisc peut-il requalifier un intérêt ?

Deux administrateurs d’une SA y avaient un compte courant créditeur. Selon eux, il ne fallait pas requalifier une partie de l’intérêt de cette créance en un dividende. Qu’a pensé la justice des deux arguments qu’ils avançaient à l’appui ?

Deux administrateurs avaient avancé, ensemble, environ 1 million € à leur SA, contre paiement d’un intérêt de 10,2 % en 2009 et 9 % en 2010. Un intérêt qu’il n’y avait pas lieu de requalifier, car le compte courant (C/C) n’était pas créditeur à la suite de prêts d’argent et le taux de cet intérêt ne dépassait pas celui du marché.

Position de l’administration

Le fisc estimait que ces créances en C/C étaient des prêts d’argent et que le taux d’intérêt pratiqué dépassait le niveau du marché. Se basant sur les taux publiés par la Banque Nationale, il avait fixé ce taux du marché à respectivement 7,2 % et 6,2 % et dès lors requalifié ce qui dépassait en un dividende.

Position du juge

La Cour d’appel de Mons donne raison au fisc. Les administrateurs ne prouvent pas en quoi les avances seraient autre chose qu’un prêt d’argent. La cour d’appel constate aussi que le taux retenu par la SA correspond à celui de l’avantage de toute nature (intérêt fictif) sur C/C débiteur, ce qu’elle tente a posteriori de justifier par des arguments de risque financier et de marge commerciale. Il n’est pas question de risque financier, ni de marge commerciale quand les parties à la convention sont si étroitement liées, objecte la cour d’appel.

Commentaire

Un prêt d’argent, une créance en C/C ? Pas par définition, a admis la Cour de cassation (Cass., 04.09.2009) . Il appartient au fisc de prouver l’existence d’un tel prêt. Il n’y parvient pas toujours dans des cas où la créance provient d’un délai de paiement qui a été accordé à la société. Ici, rien de tel et le fisc a eu en fait facile. Les administrateurs avaient viré à leur société de l’argent que celle-ci leur rembourserait plus tard, ce qui répond pleinement à la définition du prêt d’argent (art. 1892 C.civ.) .

Et le taux du marché ? Il est à apprécier au cas par cas, suivant les conditions concrètes du crédit consenti (art. 55 CIR 92) . C’est à la société de prouver que l’intérêt qu’elle déduit ne dépasse pas le taux du marché et donc à combien ce taux s’élève. N’allez pas simplement, comme la SA ici, prendre le taux de l’intérêt fictif sur C/C débiteur, car ce n’est pas la première fois que la justice rejette le procédé (Anvers, 22.04.2014 ; Mons, 20.11.2015) .

Attention 1 ! L’accord estival du gouvernement annonce une clarification de cette notion de «taux du marché» pour 2020.

Attention 2 ! Si une créance en C/C n’est pas un prêt d’argent, le fisc peut aussi tout simplement rejeter un intérêt exagéré (supérieur au taux du marché) (art. 55 CIR 92) . Un rejet qui a en grande partie le même effet qu’une requalification. La seule différence, c’est qu’en cas de requalification, la société peut perdre ses taux réduits de l’impôt des sociétés, pour avoir distribué un dividende supérieur à 13 % de son capital libéré (art. 215, al. 3, 3° CIR 92) . Une «règle des 13 %» qui devrait toutefois être supprimée l’an prochain à la suite de l’accord estival du gouvernement.

Vous trouvez l’arrêt de la Cour d’appel de Mons du 23.06.2017 sur http://astucesetconseils-impots.be/annexe  - code IM 23.22.06.

La société doit prouver à combien s’élève le taux du marché. Au fisc par contre de prouver que la créance en C/C est un prêt d’argent. S’il n’y parvient pas, il peut requalifier l’intérêt «exagéré» en un dividende ou tout simplement le rejeter, avec le même effet, en grande partie, dans l’un et l’autre cas.


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