ACTIONS - 12.07.2021

Actions et mariage, une relation floue ?

Lorsqu’un actionnaire est marié, il faut en cas de divorce ou de dissolution du mariage, tenir compte de son régime matrimonial pour savoir comment les actions seront partagées. C’est particulièrement le cas lorsque l’actionnaire est marié sous un régime de communauté, comme le régime légal. Bien que la réforme du droit des régimes matrimoniaux en 2018 avait pour but de clarifier tout cela, il en ressort, après deux ans, que ce n’est pas le cas. De quels obstacles se méfier ? Quel en est l’impact en cas de divorce ou de décès ? Quelles sont les options qui s’offrent à vous si vous voulez y remédier ?

Actions et communauté conjugale

Rôle de la communauté conjugale

Lorsque des époux n’ont pas de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous le régime légal. Lorsque des époux ont un contrat de mariage, la base est alors aussi souvent un régime de communauté. Dans tous ces cas, la communauté conjugale joue un rôle central. Tout ce que vous ne pouvez pas démontrer comme étant «propre» fait partie de la communauté conjugale. Certains époux pensent que le fait qu’une action, un compte, une voiture etc. soit au nom d’un des deux est la preuve que c’est un bien propre. Rien n’est moins vrai !

Afin de démontrer le caractère propre d’un bien, vous devez démontrer que vous aviez déjà ce bien en votre possession au moment du mariage, p.ex. des actions d’une société, ou les avez reçues durant le mariage par donation ou héritage. Vous pouvez aussi fournir la preuve que vous avez reçu les actions en payant plus de 50 % de leur valeur d’acquisition (achat, apport dans une société) avec des fonds dont vous pouvez démontrer le caractère propre. Si vous échouez dans cette preuve, les biens appartiennent alors à la communauté conjugale.

Valeur et droits

Lorsque des actions d’une société font partie de la communauté conjugale, les deux époux peuvent alors en principe exercer les droits qui y sont attachés (p.ex. le droit de vote) et sont conjointement propriétaires (de la valeur) des actions. Le législateur a toutefois prévu une exception pour certaines sociétés en distinguant deux composantes des actions : la valeur des actions d’une part, et les droits (p.ex. droit de vote, droit de propriété) attachés à ces actions d’autre part (art. 1401, §1, 5 ancien C. civ.) . L’époux au nom duquel les actions sont inscrites peut alors exercer seul les droits, comme le droit de vote, liés à ces actions et agir en tant que propriétaire. La valeur des actions appartient toutefois à la communauté.

Quelles sociétés ?

Cela concerne en premier lieu les sociétés qui ne peuvent pas être vendues librement, ni données ou transmises par héritage, etc. Ce sont les sociétés pour lesquelles la loi, les statuts et/ou les conventions d’actionnaires imposent des limitations concernant la cessibilité. Le type de société (SRL, SA, etc.) n’est pas pertinent, mais bien la question de savoir si les actions peuvent être données, vendues, transmises par héritage, etc. sans le moindre obstacle. Par ailleurs, les actions librement cessibles peuvent également faire l’objet d’une distinction entre droits et valeur, à savoir si l’époux exerce son activité professionnelle en tant qu’administrateur de cette société (p.ex. une société de consultance).

En outre, les actions doivent aussi être inscrites au nom d’un des époux. Les actions inscrites au nom des deux époux (ou, cela arrive parfois en pratique, au nom de la communauté conjugale), ne tombent pas sous ces règles, les deux époux pouvant exercer les droits sur ces actions.

Discussions

En fait, une première discussion concerne la question de savoir au nom de qui les actions doivent être inscrites. Supposons que Jean et Annie soient mariés sous un régime de communauté. Ils créent une société durant leur mariage, dont les actions sont cessibles de manière limitée. Il y a 100 actions, dont 40 au nom de Jean et 60 au nom d’Annie. La valeur de ces actions est incontestablement commune. Mais qu’en est-il des droits, comme le droit de vote ? Si les 100 actions ont été inscrites au nom d’un des deux époux, seul l’époux concerné peut exercer le droit de vote. Si les actions ont été inscrites au nom des deux époux, certains considèrent que chaque époux peut exercer le droit de vote sur chaque action. Nous doutons de la justesse de cette interprétation, mais pour éviter toute discussion, il est préférable de clarifier cela dans le contrat de mariage, quelle que soit la solution choisie.

Et qu’en est-il des sociétés qui ont été constituées durant le mariage, mais dont la possibilité de céder des actions est modifiée ? Supposons qu’Annie crée une société avec un partenaire en affaires, où les actions sont librement cessibles. Annie et son partenaire concluent ensuite une convention d’actionnaires dans laquelle des limitations concernant la cession des actions sont imposées. Avant la convention d’actionnaires, tant la valeur que les droits faisaient partie de la communauté conjugale. Annie peut-elle soudainement revendiquer, suite à la convention d’actionnaires, qu’elle est exclusivement compétente pour exercer le droit de vote, à l’exclusion de Jean ? Cela semble peu vraisemblable : Jean et Annie devront modifier leur contrat de mariage si Annie souhaite ces droits exclusifs.

Dissolution du mariage

Divorce

La valeur de la communauté conjugale est de 800 000 € au total. Jean et Annie ont donc chacun droit à 400 000 €. En cas de divorce, l’intention des époux est de partager le patrimoine commun, chacun ayant droit à la moitié de la communauté conjugale. Si l’un des époux reçoit des biens dont la valeur dépasse la moitié, il devra alors payer une soulte à l’autre époux. Reprenons l’exemple d’Annie et Jean. Au moment de leur divorce, leur communauté conjugale se compose de : un logement familial (400 000 €), un portefeuille de titres (200 000 €) et les actions de la SRL au nom d’Annie (200 000 €).

Les actions de la SRL reviennent automatiquement à Annie. En conséquence, elle se voit attribuer immédiatement 200 000 €. Si l’on veut faire un partage équitable (la moitié pour chacun des époux), il faudrait attribuer le portefeuille de titres à Annie, afin que celle-ci reçoive au total 400 000 €. Jean a alors droit à l’autre moitié, sous la forme du logement familial. Imaginons qu’Annie souhaite recevoir le logement familial, elle se voit alors attribuer 600 000 € au total, à savoir 400 000 € (le logement familial) et 200 000 € (les actions de la SRL qui doivent être attribuées à Annie). Annie devra alors payer une soulte de 200.000 €, afin que Jean reçoive au final la moitié de la communauté conjugale (400 000 €) : le portefeuille de titres et la soulte que doit payer Annie.

Décès : et la clause d’attribution optionnelle ?

La question est aussi de savoir si cette attribution automatique des actions à l’époux-actionnaire a priorité sur une clause d’attribution optionnelle. Supposons que Jean et Annie aient prévu dans leur contrat de mariage (régime de communauté) une clause d’attribution optionnelle sur la base de laquelle le survivant peut librement choisir la manière dont la communauté sera partagée au décès du prémourant. Jean a-t-il alors le droit, sur la base de cette clause d’attribution optionnelle, de se faire attribuer les actions de la SRL d’Annie si celle-ci décède en premier ? Ou ces actions doivent-elles automatiquement revenir à (la succession d’) Annie ? Il semble que le survivant, Jean, ait peu de possibilités en ce qui concerne les actions de la SRL d’Annie.

C’est sans doute dans de nombreux cas une conséquence non désirée du nouveau régime. Pour les époux, l’objectif est souvent que l’époux survivant puisse librement choisir les biens et droits qui doivent lui revenir. Dans un tel cas, reprenez de préférence expressément dans votre contrat de mariage une disposition selon laquelle l’époux-actionnaire peut exclusivement exercer ses droits (de vote) et en même temps que l’époux survivant qui n’est pas actionnaire peut exercer son droit d‘attribution optionnelle, aussi en ce qui concerne les actions au nom du prémourant.

CONSEILS

  • Si les actions d’une même société sont inscrites au nom des deux époux, le mieux est de préciser dans le contrat de mariage si chaque époux est exclusivement autorisé à exercer le droit de vote pour ces actions spécifiques ou si les deux époux exercent le droit de vote pour toutes les actions.
  • Dans certains cas, une société peut avoir un caractère fermé après sa constitution, p.ex. en concluant une convention d’actionnaires. Souvent, l’objectif est - à la requête des co-actionnaires - que l’époux-actionnaire puisse aussi exercer le droit de vote en tant qu’époux (unique). Dans un souci de sécurité, modifiez votre contrat de mariage en ce sens.
  • Si vous voulez être sûr qu’une clause d’attribution optionnelle s’applique aussi aux actions d’une société, convenez, dans votre contrat de mariage, de l’équilibre entre les droits de l’époux-actionnaire de son vivant et de la protection de l’époux survivant qui n’est pas actionnaire.

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