Retirer plus de rémunération de votre SRL pour plus de pension (extralégale) : possible ou dangereux ?
Rappelons d’abord le contexte
Votre société peut en principe déduire les primes d’une assurance groupe ou d’un EIP, mais à concurrence d’un montant limité par la «règle des 80 %» : celle-ci limite la pension totale à constituer (légale et extralégale) en fonction de votre dernière rémunération annuelle brute normale. Si cette rémunération doit être normale, c’est pour prévenir les abus. Un tel abus pourrait consister à attribuer, durant une ou plusieurs année(s), une rémunération exceptionnellement élevée, pour gonfler le résultat de la règle des 80 % et, ce faisant, le montant des primes (de backservice) déductibles. Le fisc peut rejeter la déduction des primes calculées sur la partie anormale de la rémunération.
Que s’était-il passé ?
Les faits. Un dirigeant retire une rémunération brute de 70 000 € par an de sa société. Celle-ci fusionne avec une autre société, qu’elle a reprise, et grâce à la réalisation rapide de cette fusion, qui met la nouvelle entité qui en est issue sur de bons rails, ce dirigeant en est promu administrateur délégué en 2017, avec une rémunération portée à 100 000 € environ. La prime de son EIP est aussi adaptée à cette rémunération plus élevée.
Le litige. Le contrôleur conteste la déduction par la société de ces primes plus élevées versées durant les années précédant la pension de son dirigeant, car elles ne seraient pas basées sur sa dernière rémunération annuelle brute normale. Selon lui, la rémunération de ces dernières années avant la pension a été artificiellement gonflée.
Qu’en a dit la justice ?
Le Tribunal de Hasselt (Trib. Hasselt, 17.08.2023) ne suit pas le fisc. Pour lui, pas d’augmentation artificielle de la dernière rémunération annuelle brute. Cette augmentation est en effet liée à la fusion que le dirigeant a réalisée. En outre, le chiffre d’affaires de la société issue de la fusion a aussi augmenté sous la direction du nouvel administrateur. La rémunération de 100 000 € pouvait dès lors bien servir de dernière rémunération annuelle brute normale, de sorte que la prime versée était bel et bien totalement déductible.
Qu’en retenir ?
Il faut un motif non fiscal. Augmenter la rémunération à la seule fin de permettre le versement (avec effet rétroactif) et la déduction d’une plus grosse prime de pension extralégale comporte de sérieux risques. De fait, le fisc rejettera la déduction de la partie «anormale», ce qui peut alors aboutir à de gros problèmes (financiers). Il s’agit en outre là d’un des points sur lesquels le fisc se focalise. Cela étant, il ne faudrait pas en déduire que ce n’est jamais possible ! En effet, il peut y avoir un motif objectif, non fiscal, comme dans le jugement évoqué (en l’espèce, l’accompagnement réussi d’une fusion).
Conseil. Pour une association de médecins, on pourrait p.ex. imaginer que vous y êtes senior et y avez attiré un ou des successeur(s) qu’il vous faut former pour assurer la pérennité de l’association, en plus de mener votre activité professionnelle normale.