TRAVAILLEURS PROTÉGÉS - 13.11.2013

Licencier un travailleur protégé ?

« 57 mois de préavis à un contremaître harceleur », titrait la presse il y a peu. Quelles sont donc vos possibilités de licencier un travailleur protégé qui passe vraiment les bornes ?

Quelles sont les sanctions encourues pour le licenciement d’un membre du conseil d’entreprise ou du CPPT ? Comment pouvez-vous parfois « l’optimaliser » ? Que devez-vous faire si vous voulez invoquer un motif « grave » ou « économique ou technique » ?

Les membres de la délégation syndicale sont protégés. Comment opère au juste cette protection et que faire alors si vous envisagez un licenciement ? Que faire si le conseiller en prévention ou d’autres travailleurs protégés (grossesse, crédit-temps, congé-éducation, etc.) vous posent problème ? Pourquoi est-il si important de vous constituer un bon dossier ?

Conseil d’entreprise/CPPT

Qui est protégé ?

Les membres effectifs et suppléants du conseil d’entreprise et du CPPT, mais aussi les candidats aux élections sociales, même s’ils n’ont pas été élus.

La sanction

Un travailleur protégé qui est licencié peut demander sa réintégration dans les 30 jours. Si l’employeur ne l’accepte pas dans les 30 jours suivant la demande, il ne paie que le salaire perdu. Si le travailleur ne demande pas sa réintégration, il lui est dû une indemnité , en fonction de son ancienneté (< 10 ans : 2 années de salaire, < 20 ans : 3 années de salaire, > 20 ans : 4 années de salaire). Si l’employeur refuse la réintégration, il est en outre redevable d’une indemnité complémentaire égale au salaire dû pour la durée restant à courir du mandat (max. 4 années de plus, donc).

Une optimalisation ?

Il est bien moins coûteux de licencier un travailleur protégé quand son mandat touche à sa fin . Si vous présumez qu’un travailleur veut quitter l’entreprise, mais pas démissionner, vous pouvez envisager de le licencier sans respecter les procédures précitées. S’il ne demande pas sa réintégration, les frais sont limités à l’indemnité précitée (d’après l’ancienneté). S’il demande sa réintégration, vous pouvez toujours l’accepter et ne payez alors que le salaire perdu.

Un motif grave

Comme tout autre travailleur, un représentant du personnel peut être licencié pour motif grave, sans indemnité. Dans les 3 jours ouvrables suivant votre connaissance des faits, vous devez introduire le dossier auprès du tribunal du travail . Il s’ensuit une procédure de conciliation de ± 5 jours. Puis, vous devez citer le travailleur devant le tribunal du travail, qui examinera alors l’affaire au fond et statuera en principe dans les 30 jours. Sa décision est susceptible d’appel (nouveau délai de 30 jours). Le contrat de travail peut être suspendu pendant la procédure.

Ce n’est donc qu’après plus de deux mois que vous saurez si vous pouvez licencier pour motif grave. Si ce n’est pas accepté , vous devez laisser le contrat de travail suivre son cours , si détérioriée que soit la relation avec le travailleur à ce moment-là. Si vous choisissez quand même de le licencier, vous aurez à lui payer les indemnités ci-dessus (voir « La sanction »).

Des motifs économiques ou techniques

L’employeur qui veut licencier un représentant du personnel pour des motifs économiques ou techniques doit saisir la commission paritaire compétente du dossier, par lettre recommandée. Celle-ci a deux mois pour se prononcer. Souvent, cependant, la commission n’aboutit pas à une décision à l’unanimité dans ce délai. Vous ne pouvez alors pas procéder au licenciement, sauf si son motif réside dans la fermeture de l’entreprise ou d’un de ses départements. La fermeture d’un département étant une notion élastique, vous avez une certaine marge de manoeuvre. Toutefois, si le travailleur peut démontrer ensuite qu’il n’y a pas eu une telle fermeture, vous aurez à payer les indemnités. Si aucune décision n’est intervenue après 2 mois, vous pouvez aussi introduire le dossier auprès du tribunal du travail (pour faire reconnaître vos motifs économiques ou techniques). Ce n’est possible que si vous licenciez un groupe de personnel. Vous devez assurer l’exécution du contrat de travail durant cette procédure devant le tribunal du travail.

la délégation syndicale

S’il n’existe pas de CPPT dans votre entreprise, les membres de la délégation syndicale en reprennent les compétences en bénéficiant de la même protection contre le licenciement .

S’il y a un CPPT, un licenciement peut intervenir sauf pour un motif propre à l’exécution de l’activité syndicale. Vous devez d’abord avertir la délégation syndicale et le syndicat qui a présenté la candidature du délégué. Ce syndicat a 7 jours pour dire s’il conteste ou non la validité du licenciement. S’il la conteste, vous devez soumettre le dossier au bureau de conciliation de la commission paritaire.

Si ce dernier n’accepte pas le licenciement et que vous passez outre à sa décision et licenciez quand même, vous êtes redevable d’une indemnité égale à 1 année de salaire. Si le bureau n’aboutit pas à une décision unanime, vous pouvez licencier.

Si le travailleur conteste ensuite avec succès son licenciement devant le tribunal du travail, vous aurez à payer l’indemnité. D’où l’importance de constituer par avance un dossier pourvu de toutes les pièces justificatives nécessaires.

Vous pouvez licencier immédiatement pour un motif grave . Là, vous ne devez pas suivre la procédure, mais bien informer le syndicat immédiatement. Si le tribunal n’accepte pas le motif grave, vous aurez à payer l’indemnité complémentaire de 1 année de salaire. Commencez donc par vous faire conseiller quant à vos chances de succès. Si vous suivez la procédure, vous perdez l’occasion de voir reconnu un motif grave.

autres travailleurs protégés

Vous ne pouvez licencier le conseiller en prévention que pour des motifs étrangers à l’exercice de son mandat. Là, il importe donc de constituer un dossier bien étayé. Il vous faut avoir l’autorisation du CPPT. S’il n’y en a pas un, il vous faut avoir l’autorisation de la délégation syndicale ou, s’il n’y en a pas une, celle des travailleurs individuels. Si vous ne l’obtenez pas, vous devez demander d’abord l’avis de l’inspection . Puis, vous devez engager une procédure devant le tribunal du travail pour qu’il vous autorise à licencier. Si votre licenciement est irrégulier, vous pouvez être condamné à payer une indemnité (2 ou 3 années de salaire, selon l’ancienneté comme conseiller en prévention, à savoir respectivement de moins de 15 ans ou d’au moins 15 ans). Vous ne payez cette indemnité qu’au prorata du temps effectivement consacré à la fonction de conseiller en prévention. Si vous invoquez un motif grave , vous ne devez pas suivre la procédure, mais si le tribunal juge ensuite que votre motif de licenciement est lié à l’exercice du mandat ou que vous n’avez pas prouvé l’inaptitude de la personne concernée, vous aurez quand même à lui payer l’indemnité précitée.

Il y a par ailleurs une longue liste de travailleurs protégés (crédit-temps, grossesse, congé parental, congé-éducation, etc.), mais que vous pouvez licencier sans de telles procédures complexes. On le croit souvent, mais non, vous n’êtes pas automatiquement redevable d’une indemnité de protection dans ce cas. Vous ne devez la payer que si vous ne pouvez pas démontrer que votre motif de licenciement est étranger au motif de protection du travailleur.

conseils

  • Si vous envisagez de licencier un travailleur protégé, faites-vous assister par un avocat spécialisé. Commencez à temps à constituer un dossier de pièces justificatives.
  • Si vous licenciez un membre du conseil d’entreprise ou du CPPT, les sanctions peuvent aller jusqu’à 8 années de salaire. Le travailleur peut demander sa réintégration, mais pas y contraindre l’employeur.
  • Vous pouvez licencier pour motif grave, mais il vous faut avoir l’autorisation préalable du tribunal du travail. Si vous licenciez pour un motif économique ou technique, il vous faut avoir l’autorisation préalable de la commission paritaire. Si aucune décision n’est tombée dans les deux mois, vous pouvez introduire le dossier devant le tribunal du travail (si vous licenciez un certain groupe de travailleurs) ou procéder au licenciement (si vous fermez un département).
  • Vous devez aussi respecter une procédure préalable pour un conseiller en prévention. Vous pouvez licencier d’autres travailleurs protégés si vous pouvez démontrer que votre motif de licenciement est étranger au motif pour lequel ils sont protégés.

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