Restauration événementielle : rappel à l’ordre
Restauration lors d’événements
Le fisc et la TVA ont leur propre définition
La limite, ténue, entre «frais de publicité» et «frais de réception», d’une part, et «frais de nourriture et boissons» ou «frais de restaurant», d’autre part, est depuis longtemps source de litige entre les contribuables, le fisc et l’administration de la TVA. Qu’en est-il des frais (et de la TVA sur ceux-ci ) d’un événement comme une journée portes ouvertes au cours de laquelle des zakouskis et des boissons sont offerts aux visiteurs ?
Déductibilité à 50 %, 69 % ou 100 % ?
En ce qui concerne les impôts sur les revenus, les frais réellement exposés ne sont déductibles que s’ils ont pour but d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. Par ailleurs, des articles de loi spécifiques stipulent, entre autres, que les «frais de réception» ne sont déductibles qu’à 50 %, et les frais de restaurant, seulement à 69 %. Les frais de publicité sont – en principe – déductibles à 100 %.
TVA déductible à 100 % ?
En matière de TVA, la règle générale est qu’un assujetti peut déduire la TVA sur les biens qui lui sont livrés et les prestations de services qui lui sont fournies de la TVA dont il est redevable, dans la mesure où il utilise ces biens et ces prestations de services pour effectuer des opérations soumises à la TVA.
Aucune déduction n’est cependant autorisée pour la TVA sur les logements, la nourriture et les boissons ou les «frais de réception» (art. 45 CTVA) . La TVA sur les frais de publicité peut en revanche être déduite.
La Cour de cassation fait la clarté
Qu’entend-on par «frais de réception» ?
La Cour de cassation a précisé en 2005 qu’en matière de TVA, les «frais de réception» ne comprennent que les frais d’accueil, de réception et de divertissement ou de délassement de clients et fournisseurs, exposés en vue de maintenir ou de renforcer des relations professionnelles.
Qu’entend-on par «frais de publicité» ?
Les «frais de publicité» englobent toutes les prestations de services qui contribuent à diffuser un message ayant pour but d’informer le consommateur de l’existence et des qualités d’un produit ou d’un service, en vue d’en favoriser la vente (Cass., 08.04.2005, Sanoma) .
Cour de cassation : c’est le but qui prime
Le but des frais prime leur nature : si le but est «principalement» de faire de la publicité (axée sur de nouveaux clients), la TVA est déductible, même si des clients actuels et des fournisseurs participent également à l’événement (qui pourrait être considéré comme une «réception»).
L’administration de la TVA ne suit que partiellement
L’administration de la TVA a depuis renoncé à appliquer une interprétation trop large des frais de réception, et a accepté la déduction de la TVA sur p.ex. la décoration de la salle à l’occasion d’une journée portes ouvertes.
La question du traitement de la TVA sur «la nourriture et les boissons» lors de ces événements était cependant encore en suspens. Sur ce point, l’administration a naturellement campé sur ses positions, et n’a pas accepté que cet arrêt soit appliqué par analogie.
La Cour confirme sa position
Le but prime
En 2010, la Cour de cassation a néanmoins confirmé son point de vue et précisé que pour la nourriture et les boissons, le but (la publicité) l’emporte également sur la nature des frais (nourriture et boissons) : si à l’occasion d’une journée portes ouvertes axée sur de nouveaux clients potentiels, des zakouskis et des boissons sont offerts, la TVA sera quand même déductible, même si quelques clients actuels sont également présents (Cass., 11.03.2010, Cache Cache) .
La TVA ignore la décision
L’administration de la TVA ne s’est cependant pas ralliée à cette position, et a publié une décision qui ignorait purement et simplement l’arrêt de la Cour (Déc. E.T.120.663, 02.12.2011) .
Nouvelle confirmation
La troisième fois est la bonne !
La Cour de cassation n’a cependant pas baissé les bras. Dans un arrêt de 2012, elle confirme une nouvelle fois sa jurisprudence. La TVA sur les frais de nourriture et de boissons exposés dans un but publicitaire ne relèvent pas de l’interdiction de déduction (Cass., 15.06.2012) .
L’administration s’avoue vaincue
Après cet arrêt, l’administration de la TVA s’est finalement conformée à la jurisprudence (Déc. E.T.124.247, 13.03.2015) .
Et en matière d’impôts directs ?
Pour le ministre, il faut suivre la règle TVA
La réponse du ministre des Finances à une question parlementaire posée en 2018 semblait également avoir fait la clarté en matière d’impôts sur les revenus. Le ministre a ainsi confirmé que les frais de restauration pouvaient être déduits au titre de frais de publicité, également dans le domaine des impôts sur les revenus, notamment en raison de l’harmonisation des directives TVA consécutive à la jurisprudence de la Cour de cassation. Selon le ministre, il fallait donc en effet prendre en considération le but des dépenses, et non leur nature (QP n° 23784, 14.03.2018) .
L’administration n’écoute pas son ministre
Alors que chacun pensait qu’après la déclaration du ministre des Finances, le débat était clos, le fisc n’a toujours pas voulu en démordre. Il en a résulté quelques nouveaux arrêts, et la Cour de cassation a été saisie de plusieurs affaires.
L’une de ces affaires concernait un concessionnaire automobile qui avait organisé un événement au cours duquel de nouveaux modèles étaient présentés, et des promotions exceptionnelles offertes. Les frais de traiteur exposés à l’occasion de cet événement ont été déduits à 100 %, au titre de frais de publicité. Le fisc ne l’entendait cependant pas de cette oreille, et l’affaire a finalement été soumise à la Cour de cassation. L’administration considérait en effet que l’événement devait être considéré comme une réception, et que les frais n’étaient déductibles qu’à 50 %.
La Cour de cassation rappelle le ministre à l’ordre
La Cour de cassation a donné raison au fisc : le raisonnement applicable en matière de TVA ne pouvait pas être purement et simplement étendu aux impôts sur les revenus. L’intention du législateur n’était en effet pas la même : pour la TVA, il ne voulait qu’exclure les frais sans caractère professionnel, alors que pour les impôts sur les revenus, l’intention était clairement de n’autoriser la déduction des frais de réception qu’à 50 % (Cass., 22.02.2019) . La Cour rappelle donc clairement le ministre à l’ordre. C’est bien la nature des frais qui prime en matière d’impôts sur les revenus, et non leur objectif.