La justice plus souple que le fisc pour les dividendes français
Dividendes français : deux fois imposés
En France et en Belgique. Sur un dividende français de p.ex. 100 € bruts, vous payez en France, depuis le 01.01.2018, un impôt à la source de 12,8 % (30 % auparavant). Sur les 87,20 € subsistants, vous payez encore en Belgique le précompte mobilier (Pr M) de 30 %, soit 26,16 €. Il ne vous reste ainsi plus que 61,04 € nets en main !
La QFIE. La convention préventive de la double imposition entre la Belgique et la France prévoit la possibilité d’imputer l’impôt à la source français (c.‑à-d. le défalquer) du Pr M belge (Cass., 16.06.2017 et 15.10.2020) . C’est la «quotité forfaitaire d’impôt étranger» (QFIE) et, en vertu de la convention, elle ne peut être inférieure à 15 % du montant net perçu en France. Autrement dit, sur le dividende net français de 87,20 €, vous payez 26,16 € de Pr M belge (30 % de 87,20 €), dont vous pouvez défalquer 13,08 € (15 % de 87,20 €), ce qui vous laisse un net de 74,12 € au lieu de 61,04 € !
Via votre déclaration. Votre banque belge ne peut pas appliquer spontanément cette QFIE en retenant moins de Pr M belge sur vos dividendes français. Vous devez en demander l’imputation dans votre déclaration d’impôt (belge). Vous devez donc y reprendre vos dividendes français, alors même qu’un Pr M libératoire a été retenu.
Conseil. Demandez à votre banque un aperçu de vos dividendes français, de l’impôt à la source et du Pr M qui ont été retenus.
Attention ! La QFIE ne se cumule pas avec la tranche exonérée de 800 € de dividendes.
Une réclamation pour le passé
Le fisc renâcle. Si vous avez payé trop de Pr M ces dernières années à défaut d’avoir appliqué la QFIE, vous pouv(i)ez en demander le remboursement au fisc en introduisant une réclamation. Celui-ci ne veut toutefois rembourser l’excédent de Pr M retenu que si vous avez repris les dividendes dans votre déclaration d’impôt belge. En général, vous ne l’avez pas fait si vous avez perçu vos dividendes français par l’intermédiaire d’une banque belge qui a retenu le Pr M (libératoire) de 30 %. En effet, dans ce cas, vous ne deviez plus déclarer ces dividendes en Belgique. Vous ne le faites que si vous les avez perçus directement en France, sans intervention d’une banque belge (qui n’a dès lors pas retenu de Pr M libératoire).
La jurisprudence. Contrairement à la Cour d’appel de Gand (Gand, 30.11.2021 et 10.01.2023) , la Cour d’appel d’Anvers a jugé que vous pouviez aussi demander le remboursement de l’excédent de Pr M retenu si vous n’avez pas repris vos dividendes dans votre déclaration (Anvers, 23.05.2023) . Bref, la jurisprudence est divisée.
Que pouvez-vous faire ? Reprendre d’office les dividendes français perçus en 2022 (et de même, l’an prochain, ceux de 2023) dans votre déclaration d’impôt, pour être sûr que le fisc imputera la QFIE. Pour les dividendes d’années antérieures que vous n’avez pas déclarés, vous pouvez introduire une réclamation, mais sans certitude que le fisc l’accueillera. Dans le pire des cas, vous devrez aller en justice pour obtenir gain de cause… Sans doute faudra-t-il attendre que la Cour de cassation se soit prononcée sur la question.
Attention ! Voici peu, la Belgique a conclu avec la France une nouvelle convention, et celle-ci ne prévoit plus de QFIE. Pour les dividendes à percevoir à partir (en principe) du 1er janvier 2024, vous ne pourrez plus imputer de QFIE sur le Pr M retenu sur vos dividendes français.