Donation d’actions exonérée via un apport en société simple : Vlabel confirme...
Apport avec création de nouvelles actions
Les biens mobiliers sont apportés par acte sous seing privé à une société simple (nouvellement constituée), l’acte d’apport (ou de constitution) stipulant que l’apport a lieu en tout ou en partie au profit d’un tiers. Les actions émises par la société simple, en échange de l’apport, sont dès lors enregistrées au nom de ce tiers.
Selon la majorité de la doctrine, cette technique doit être qualifiée de donation indirecte. En 2022, Vlabel a approuvé cette technique de donation indirecte par apport au profit d’un tiers (déc. ant. n° 22009, 25.04.2022) , mais a néanmoins rendu une décision négative, en raison d’un «maintien du contrôle trop important par l’apporteur-donateur». Dans une seconde demande de décision anticipée, les pouvoirs de gestion et de disposition du donateur-apporteur ayant été réduits, Vlabel a remis une décision positive (déc. ant. n° 22069, 27.02.2023) .
Néanmoins, certains auteurs estiment qu’il s’agit d’une donation directe, qui est donc annulable, puisqu’une condition formelle (la passation d’un acte notarié) n’a pas été respectée (art. 4.158 C.civ.) . Tant que la nullité n’est pas invoquée, la donation annulable reste toutefois intacte et produit tous les effets juridiques attendus d’une donation valable. Du vivant du donateur, la nullité est absolue et toutes les parties intéressées (p.ex. le donateur, ou le juge, d’office) peuvent l’invoquer (art. 1339 ancien C.civ.) . Après le décès du donateur, la nullité devient relative et seuls les héritiers ou les ayants droit du donateur peuvent encore l’invoquer (art. 1340 ancien C.civ.) . Le délai de prescription pour invoquer la nullité est de dix ans (art. 2262bis, §1, al. 1 ancien C.civ.) , à compter de la donation (c.-à-d. à partir de l’apport à la société simple au profit d’un tiers).
En pratique
Supposons qu’une société simple soit créée par une mère et ses enfants. La mère apporte des biens mobiliers et 999 actions sont créées. Parmi celles-ci, 990 sont attribuées aux enfants, et 9 à la mère. Il s’agit donc d’un apport de la mère au profit de tiers (ses enfants). Au vu de l’intention de donner, il s’agit d’une donation indirecte de la mère à ses enfants (déc. ant. n° 22069 du 27.02.2023) .
Documents
L’acte d’apport (ou de constitution) sous seing privé prévoit que les actions émises sont inscrites au nom des enfants. Ensuite, les parties établissent un pacte adjoint qui qualifie l’opération de donation et confirme également les modalités y afférentes. S’il s’agit d’un apport supplémentaire à une société existante, le registre des actions et le registre UBO de la société doivent également être modifiés après le pacte adjoint.
Le donateur doit bien entendu survivre à la donation indirecte pendant trois ans (cinq ans en Région wallonne) pour qu’aucun droit de succession ne soit dû. Ce délai commence à courir à partir du moment où il apparaît que l’apport à la société est une donation indirecte, c.-à-d. à partir de la date du pacte adjoint.
La date de la donation indirecte ressort aussi indirectement de l’acte constitutif ou du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire qui a décidé de l’apport complémentaire, de l’inscription de la société simple à la BCE (en cas de constitution), ainsi que de la modification du registre des actions et du registre UBO.
Apport sans création de nouvelles actions
Toute personne faisant un apport à une société simple reçoit en principe des actions supplémentaires. Toutefois, l’apporteur peut également stipuler que, malgré l’apport, aucune nouvelle action ne sera émise. Les rapports de force dans l’actionnariat de la société simple ne changent alors pas, malgré cet apport supplémentaire. Ce dernier augmente simplement le patrimoine de la société et la valeur de toutes les actions, y compris celles de ceux qui n’ont rien apporté. Si l’apporteur l’effectue avec l’intention de faire une donation, il s’agit d’une donation indirecte.
Avec cette technique, un associé apporte des biens mobiliers (de l’argent, un portefeuille d’investissement, des actions d’une société, etc.) à une société existante, mais renonce à recevoir les actions représentant la contre-valeur de son apport. Il y a dès lors un appauvrissement de l’apporteur, et un enrichissement des autres actionnaires, généralement les enfants.
En pratique
Supposons que des parents soient actionnaires d’une société simple, avec leurs deux enfants. Il y a 1 000 actions, les parents en détenant 2 %, et les enfants 98 %. Le portefeuille d’investissement sous-jacent vaut 1 000 000 €. Les parents font un apport supplémentaire de 500 000 €.
En principe, ils devraient donc recevoir 500 actions supplémentaires. Toutefois, l’acte d’apport sous seing privé peut stipuler qu’il n’y aura pas de création de nouvelles actions. Les enfants voient dès lors la valeur de leurs actions augmenter.
Documents
L’acte d’apport mentionne uniquement qu’il n’y a pas de création d’actions supplémentaires suite à l’apport complémentaire. Il ne précise pas qu’il s’agit d’une donation. Le fait qu’il s’agisse d’une donation indirecte est confirmé, après l’apport, dans un pacte adjoint, dans lequel on peut aussi confirmer les charges et conditions attachées à la donation indirecte. Comme les relations entre les actionnaires ne changent pas, il n’est pas nécessaire de modifier le registre des actions ni le registre UBO.
Le délai de trois ans (cinq ans en Région wallonne) commence également à courir à partir du moment où il apparaît que l’apport à la société simple était une donation indirecte, c.-à-d. à partir de la date du pacte adjoint. La date de la donation indirecte ressort également indirectement du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire qui a décidé de l’apport complémentaire.
Pas de réserve d’usufruit
Selon l’article 2.7.1.0.7 CFF/article 9 C.succ., les actions qui sont immatriculées au nom de l’apporteur-donateur pour l’usufruit et au nom du bénéficiaire pour la nue-propriété font partie d’un legs fictif.
Par conséquent, et jusqu’à preuve du contraire, ces actions sont réputées encore faire partie de la succession de l’apporteur-donateur en pleine propriété. Les droits de succession seront dès lors perçus sur la valeur de leur pleine propriété, au décès du donateur-apporteur.
En principe, la preuve contraire peut être apportée si l’immatriculation scindée n’est que le résultat d’une donation préalable manifeste, enregistrée ou non. Dans le cas d’un apport au profit d’un tiers, il n’y a pas de donation préalable «manifeste», et la preuve contraire ne peut donc pas être apportée (déc. ant. Vlabel n° 22009, 25.04.2022 et n° 22069, 27.02.2023) .