Ne pas vendre l’immeuble, mais des actions : abus fiscal ?
De quoi s’agit-il ?
«Vider» une société. Un entrepreneur veut mettre fin à ses activités. Il vide donc sa société en vendant tous les investissements qui s’y trouvent encore et en réglant les dettes existantes. Cependant, il ne vend pas l’immeuble qui se trouve dans la société !
Puis vendre les actions. Il vend alors les actions de la société, qui ne comprend donc plus que l’immeuble, à un tiers. Celui-ci devient donc le nouveau propriétaire de la société, au sein de laquelle il n’y a plus qu’un bien immobilier...
Pourquoi procéder de la sorte ? Simplement parce que la vente d’actions est en principe exonérée d’impôts. Ni la personne privée qui vend les actions, ni sa société ne sont redevables du moindre impôt des personnes physiques ou des sociétés sur cette transaction.
Donc moins d’impôts ? Absolument ! Si la société vend l’immeuble qu’elle contient, le bénéfice de la vente est imposable à l’impôt des sociétés, soit en principe à 33,99 %. Pour obtenir l’argent de la vente sur le plan privé, la société doit alors être liquidée et un précompte mobilier (Pr M) doit être prélevé sur le «bonus de liquidation». De son côté, l’acheteur doit payer les droits d’enregistrement pour l’achat de l’immeuble (12,5 % en Wallonie et à Bruxelles, 10 % en Flandre).
Trop beau pour être vrai ?
Abus fiscal ? D’après le service du ruling, oui (rapport annuel du Service des décisions anticipées en matière fiscale 2013, p. 84). En effet, il y a abus fiscal lorsque certaines constructions ne sont uniquement mises en place qu’à des fins fiscales, c’est-à-dire afin d’éviter l’impôt (art. 344, §1 CIR 92) .
Concrètement. D’après le fisc, la vente d’actions n’a pour but que d’éviter tant l’impôt des sociétés sur le bénéfice de la vente de l’immeuble que le précompte mobilier de 25 % sur le bonus de liquidation, lors de la liquidation de la société. Bien que cela ne figure pas dans le rapport annuel, le service du ruling aurait également pu déclarer que la vente des actions servait à éviter les droits d’enregistrement. Il existe en fait une disposition anti-abus similaire en matière de droits d’enregistrement (art. 18, §2 C. enr.) .
Aïe, et maintenant ? Rassurez-vous tout de suite : ce n’est pas parce que le service du ruling a considéré cette affaire spécifique comme un «abus fiscal» qu’une vente d’actions est désormais systématiquement à risque ! Une vente d’actions, en elle-même, est toujours possible. Par contre, ce qui est plus sensible du point de vue fiscal, c’est de vider une société avant d’en revendre immédiatement les actions. Cela donne en effet l’impression que seuls des motifs fiscaux ont joués.
Quid des véritables sociétés patrimoniales ? Si vous disposez déjà d’une société patrimoniale depuis plusieurs années, la vente de ses actions ne constitue normalement pas un abus fiscal. Ce qui importe, c’est que vous ne posiez pas, juste avant la vente, une série d’actes destinés uniquement à permettre une économie d’impôts.
Attention ! Si vous constituez une société aujourd’hui en y apportant un immeuble, avant d’en revendre les actions à court terme, vous courrez évidemment un risque du point de vue fiscal. Il est conseillé d’attendre environ cinq ans avant de revendre les actions.