ÉTRANGER - 04.09.2023

Amende systématique de 50 % pour non-déclaration de revenus étrangers : le fisc a tort

Si vous oubliez de déclarer des revenus étrangers, le fisc vous inflige presque automatiquement une amende de 50 %, car une non-déclaration (répétée) de revenus étrangers constituerait une fraude. Cependant, le juge donne généralement raison au contribuable…

Revenus étrangers : obligation de déclaration

Ces dernières années, des contrôles ciblés ont été effectués sur les revenus étrangers non déclarés, principalement des intérêts et des dividendes. En effet, les résidents fiscaux belges sont imposés en Belgique sur leurs revenus globaux. Même si un revenu est exonéré en Belgique grâce à une convention préventive de double imposition, vous devez déclarer ce revenu qui sera par la suite exonéré.

Le contrôle commençait généralement par une demande de renseignements, dans laquelle il était fait référence à un compte bancaire étranger que le contribuable n’avait pas mentionné dans sa déclaration, mais au sujet duquel le fisc avait obtenu des informations de l’étranger. Grâce à l’échange international de données (CRS ou FATCA), le fisc belge reçoit en effet automatiquement des informations sur le solde du compte étranger, sur le montant brut des intérêts et dividendes perçus et sur les produits de la vente de produits financiers.

Les revenus mobiliers de ces comptes bancaires ont ensuite été imposés, et un accroissement d’impôt de 50 % a été systématiquement appliqué pour intention frauduleuse. Ce faisant, les intérêts de retard dus sont en outre rétroactifs et peuvent donc s’avérer très élevés.

Il y aurait une instruction interne, au sein des différents services de l’administration fiscale, d’infliger systématiquement une amende de 50 % en cas de non-déclaration des revenus étrangers, afin de donner un signal clair et uniforme à la population.

La non-déclaration (répétée) serait une fraude

Bien que la taxation en elle-même soit rarement contestable, l’accroissement d’impôt de 50 % est manifestement illégal dans la majorité des cas. En effet, un accroissement de 50 % ne peut être appliqué que si le fisc démontre concrètement que le contribuable a agi avec une «intention frauduleuse» et que son intention était donc d’éluder l’impôt.

Le fisc déduit cette intention frauduleuse du fait que les comptes et les revenus étrangers n’ont pas été déclarés (à plusieurs reprises). Il ajoute parfois que les revenus non déclarés étaient considérables, ou que des capitaux ont été «rapatriés» à l’étranger. Dans la plupart des cas, cette motivation ne comporte aucune preuve concrète de fraude. En outre, les infractions résultant d’une négligence, d’une erreur matérielle ou d’une erreur commise de bonne foi ne peuvent constituer une fraude.

Réclamation

Certains contribuables ont contesté, à juste titre, l’accroissement de 50 %, parce que l’intention frauduleuse n’avait pas été prouvée et/ou parce qu’il s’agissait d’une erreur, de sorte qu’un accroissement de 10 % ou un allègement de sanction était plus approprié.

Dans la phase administrative, les contribuables ont souvent fait chou blanc. Les centres locaux saisis de la réclamation étant liés par une instruction générale, ils doivent d’abord recevoir la confirmation de l’administration centrale de Bruxelles avant de pouvoir autoriser dans les dossiers un accroissement d’impôt inférieur à 50 %.

Notez qu’un contribuable a en principe le droit de consulter cette instruction interne sur la base de la loi relative à la publicité de l’administration.

Nous constatons dans la pratique que le message de la hiérarchie est toujours qu’un accroissement de 50 % est la règle et ne peut être réduit que dans des cas exceptionnels (à 30, 20 ou rarement 10 %), et ce, en dépit de la jurisprudence qui plaide en faveur du contribuable…

Jurisprudence

L’instruction hiérarchique laisse peu de place à la négociation dans les dossiers. C’est pourquoi un contribuable n’obtient souvent gain de cause que devant un tribunal.

Une constante claire découle de la jurisprudence : la non-déclaration de revenus étrangers, même répétée, est insuffisante pour prouver la fraude.

Dans un arrêt du 11 janvier 2023, le Tribunal de première instance d’Anvers a ainsi ramené un accroissement de 50 % à 10 % (Trib. Anvers, 11.01.2023, n° de rôle 21/4447/A) . Dans cette affaire, le contribuable a estimé qu’il ne devait pas déclarer les revenus étrangers, car ils avaient déjà été soumis à un précompte mobilier libératoire en Suisse. Le fisc a fait valoir qu’il avait bien déclaré les revenus mobiliers provenant d’un autre compte bancaire en Suisse.

Le tribunal a jugé que la fraude ne pouvait être déduite du seul fait que les revenus n’avaient pas été déclarés. L’administration fiscale n’a pas non plus démontré, preuves à l’appui, que des capitaux avaient été transférés à l’étranger.

Le même tribunal a récemment réitéré sa position dans une affaire dans laquelle un contribuable n’avait pas répondu à une demande de renseignements sur ses actifs détenus à l’étranger et avait donc fait l’objet d’une taxation d’office et d’un accroissement d’impôt de 50 % (Trib. Anvers 03.03.2023, n° de rôle 21/4606/A) .

Il est également intéressant de relever que, dans les deux affaires, le tribunal annule d’abord les cotisations pour respectivement trois et quatre autres exercices d’imposition, parce que le fisc a fait usage à tort du délai spécial d’imposition prévu à l’article 358, §1er , 2°, et §3, du CIR 92. L’article 358, §1er , 2°, et §3, du CIR 92 accorde à l’administration fiscale un délai spécial d’imposition de 24 mois, lorsqu’il ressort d’informations provenant de l’étranger que des revenus imposables n’ont pas été déclarés en Belgique. Sur la base de l’article 333/2 du CIR 92, si les informations de l’étranger sont insuffisantes, le fisc peut prendre des mesures d’investigation supplémentaires (comme une demande de renseignements) au cours de ces 24 mois. En l’espèce, le fisc avait procédé à des investigations supplémentaires sur des années auxquelles les informations de l’étranger ne se rapportaient pas. Le tribunal estime que le délai spécial d’imposition doit être interprété de manière restrictive, de sorte que l’imposition ne peut porter que sur les années pour lesquelles des informations de l’étranger ont été obtenues. Pour les autres années, les cotisations ont été annulées.

Les informations de l’étranger doivent également faire partie du dossier administratif auquel le contribuable peut avoir accès, afin de pouvoir vérifier quelles informations ont été obtenues de l’étranger et à quel moment (Trib. Anvers, 26.10.2022, n° de rôle 21/1690/A) .

Outre ces deux arrêts, il existe de nombreux jugements similaires rendus en première instance et en appel en faveur du contribuable.

Cette position est conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, qui avait déjà jugé le 3 janvier 1997 que l’intention frauduleuse ne pouvait être déduite du seul fait qu’un certain montant n’avait pas été déclaré comme revenu imposable.

Vous aviez en principe jusqu’au 15 juillet 2023 pour déposer votre déclaration fiscale via Tax-on-web. Les indépendants, les dirigeants d’entreprise rémunérés, les conjoints aidants ou les contribuables ayant des revenus professionnels étrangers ont jusqu’au 18 octobre 2023.

CONSEILS

  • Ces dernières années, des contrôles à grande échelle ont été effectués sur les revenus et comptes bancaires étrangers, à la suite de l’échange automatique international de données bancaires.
  • Le fisc applique systématiquement des accroissements d’impôt de 50 % en cas de non-déclaration des revenus étrangers.
  • Ce mode opératoire semble illégal dans la plupart des cas, car l’intention frauduleuse ne peut être déduite du seul fait que des revenus (substantiels) n’ont pas été (à plusieurs reprises) déclarés.
  • Il existerait une instruction interne qui obligerait les centres locaux à infliger une amende de 50 %. En raison d’une gestion hiérarchisée, un contribuable n’obtient souvent gain de cause que devant un tribunal. De plus en plus souvent, la jurisprudence rejette la position du fisc.

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