Les demandeurs d’asile inscrits au registre d’attente sont‑ils ou non des «habitants du royaume» ?
Qui est «habitant du royaume» ?
La qualité d’habitant du royaume (c.-à-d. de résident fiscal) ne doit pas être confondue avec la notion de «résident» telle que définie par le droit des migrations (loi du 19.07.1991, MB 03.09.1991) .
La résidence fiscale est une question de fait, qui dépend de deux facteurs de rattachement : le lieu de résidence et le «siège de la fortune» (art. 2, §1, 1° CIR 92) .
Le lieu de résidence est celui où l’on habite réellement, de manière effective et durable. Le lieu de résidence fiscal est toujours déterminé au 1er janvier de l’exercice d’imposition, et il vaut alors pour toute la période imposable précédant l’exercice d’imposition.
Le siège de fortune est le lieu à partir duquel les biens sont gérés (et non celui où ils se trouvent), c.-à-d. l’endroit où le propriétaire a le siège de ses affaires ou de ses activités (Anvers, 18.02.1982, S.S, Jurisprudence fiscale, 82/71) et qui est caractérisé par une certaine unité. Le critère du «siège de la fortune» ne s’applique plus que marginalement, et n’est invoqué que si le contribuable n’a pas de lieu de résidence en Belgique (art. 2, §1er, 1°, a, deuxième tiret CIR 92 et circulaire, 07.07.2014, n° 35) .
Les personnes physiques inscrites au registre national des personnes physiques sont également présumées avoir établi leur domicile ou le siège de leur fortune en Belgique (art. 2, §1er, 1°, al. 2 CIR 92) .
Demandeurs d’asile
Avant 2017, les demandeurs d’asile étaient légalement considérés comme des résidents fiscaux, ce qui les rendait immédiatement assujettis à l’impôt des personnes physiques belge et leur permettait, par conséquent, de bénéficier du crédit d’impôt (remboursable) pour enfants à charge. Toutefois, depuis la loi du 25 décembre 2016, le régime applicable a changé (loi du 25.12.2016, MB 30.12.2016) .
Lors de leur arrivée en Belgique, les demandeurs d’asile sont inscrits dans le registre d’attente et doivent attendre d’être reconnus comme réfugiés. Bien qu’à proprement parler, ils puissent déjà être considérés comme résidents fiscaux en Belgique à ce stade, le CIR prévoit qu’ils ne sont pas soumis à l’impôt des personnes physiques (art. 2, §1, 1° et art. 3 CIR 92) . Leurs revenus de source belge sont toutefois soumis à des obligations fiscales (art. 227, 1° CIR 92) en vertu de l’application de l’impôt des non-résidents (INR).
Statut fiscal des demandeurs d’asile inscrits au registre d’attente
Les demandeurs d’asile arrivés en Belgique sont inscrits dans le registre d’attente en attendant que leur demande d’asile soit traitée. Ce n’est que lorsqu’ils sont officiellement reconnus comme réfugiés qu’ils sont inscrits au registre des étrangers. L’inscription dans le registre d’attente équivaut à une inscription dans le registre national des personnes physiques. Or, toute personne inscrite au registre national est, comme nous l’avons vu, et sauf preuve contraire, considérée comme «résident du royaume» sur le plan fiscal, et donc assujettie à l’impôt des personnes physiques (art. 2, §1er, 1°, al. 2 CIR 92) .
Avant l’intervention législative du 25 décembre 2016, les demandeurs d’asile, en tant que résidents fiscaux du royaume, avaient donc droit à tous les avantages fiscaux auxquels ont droit les résidents du royaume. Ils avaient donc aussi presque automatiquement droit au crédit d’impôt (remboursable) «pour enfants à charge».
Depuis la loi du 25 décembre 2016, l’article 4, 4° CIR 92 prévoit que les demandeurs d’asile inscrits au registre d’attente (art. 1, §1er, al. 1, 2° de la loi du 19.07.1991) ne sont pas soumis à l’impôt des personnes physiques (art. 4, 4° CIR 92) , alors qu’à proprement parler, ils ont la qualité de résident fiscal en vertu de la présomption légale de l’article 2, §1er , 1° CIR 92.
Ils sont toutefois soumis à l’impôt des non-résidents dans la mesure où ils ont perçu des revenus de source belge, tels que des revenus professionnels.
En revanche, les deux catégories suivantes sont tout de même soumises à l’impôt des personnes physiques :
- ceux qui avaient déjà établi leur siège de fortune en Belgique avant leur inscription au registre d’attente ;
- les conjoints des contribuables assujettis à l’impôt des personnes physiques, pour autant que ces conjoints ne se trouvent pas dans un des cas visés à l’article 126, §2, al. 1er , 1° à 3° CIR 92.
Impôt des non-résidents
Toutefois, les demandeurs d’asile (inscrits au registre d’attente) ayant des revenus professionnels belges soumis à l’INR/personnes physiques peuvent bénéficier des déductions liées aux personnes (dont le crédit d’impôt pour enfants à charge) si, pendant toute la période imposable, ils ont obtenu en Belgique des revenus imposables s’élevant à au moins 75 % de l’ensemble de leurs revenus professionnels d’origine belge et étrangère obtenus au cours de cette période imposable.
L’année civile est scindée en deux périodes imposables si un demandeur d’asile se voit reconnaître la qualité de réfugié au cours de l’année (et est dès lors soumis à l’impôt des personnes physiques), celui-ci étant alors soumis à l’impôt des non-résidents durant la première partie de cette année civile (avec application de la règle des 75 %). Dans ce cas, le crédit d’impôt pour enfants à charge ne peut être appliqué qu’une seule fois.
Une discrimination ?
On peut se demander si la loi du 25 décembre 2016 n’implique pas une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile qui, en raison de leur exclusion de l’impôt des personnes physiques, ne peuvent pas bénéficier du crédit d’impôt pour enfants à charge, et les autres résidents du royaume qui, en raison de leur soumission à l’impôt des personnes physiques, peuvent automatiquement en bénéficier.
À la suite de l’introduction d’un recours en annulation, la Cour constitutionnelle a toutefois jugé (CC, 3/2019, 23.01.2019) que le législateur avait prévu les mesures nécessaires en offrant une protection socioéconomique suffisante aux demandeurs d’asile avec la loi du 12 janvier 2007.