Un avantage à titre privé à la suite d’un achat en indivision ?
Que s’était-il passé ?
Achat et démolition. Le gérant d’une SPRL avait acheté 30 % de la pleine propriété d’un bien immobilier avec sa femme en 2014. La SPRL avait acheté les 70 % restants. Après l’achat, le bien est démoli. Les frais de démolition sont répartis entre le couple et la société, au prorata des droits de propriété.
La société renonce. En 2015, la SPRL renonce à ses droits indivis sur 69 % du bien au profit du couple, et ne conserve donc que 1 %. Le couple paie un prix basé sur le marché pour l’acquisition de ces droits, et devient donc propriétaire du bien à 99 % après cette transaction.
Le fisc y voit un avantage imposable. L’acte par lequel la société renonce à ses droits indique qu’il est «déclaratif». Selon le fisc, cela signifie que cet acte est rétroactif et que le couple est donc propriétaire à 99 % depuis le début. Il s’ensuit que ce n’est pas la SPRL, mais le couple qui aurait dû payer les frais d’achat et de démolition et les honoraires. Le contrôleur impose donc 50 % des frais payés par la société en tant qu’avantage de toute nature (ATN) dans le chef du mari, et, comme l’épouse n’était pas dirigeante de la société, il impose les 50 % restants en tant qu’avantage anormal ou bénévole (AAB) dans le chef de la SPRL.
Qu’en a pensé la justice ?
L’acte est erroné. Le juge a procédé à une analyse juridique approfondie de l’acte de 2015 et a conclu que la mention de sa nature «déclarative» était incorrecte. Il n’y avait donc pas d’effet rétroactif, et le couple ne possédait 99 % du bien que depuis 2015.
Donc pas d’avantage imposable ? En effet, le chef d’entreprise et son épouse ayant payé leur part des frais en 2014, la société n’a accordé aucun avantage. Les cotisations sont donc annulées.
Que faut-il en retenir ?
Pourquoi acheter en indivision ? En 2023, il n’y a en fait plus de raison fiscale de le faire. Auparavant, cela permettait d’économiser les droits d’enregistrement, car la loi était alors interprétée comme signifiant que, en cas de reprise ultérieure des droits de propriété de votre société, vous ne deviez payer que le droit fixe au lieu du droit de vente. Cependant, le fisc interprète désormais la loi différemment et a obtenu gain de cause sur ce point en cassation (Cass., 06.01.2023) .
Quand y a-t-il un avantage imposable ? Si vous achetez un bien en indivision avec votre société, son coût n’est déductible pour cette dernière qu’à concurrence de ses droits de propriété. Par conséquent, il n’y a d’ATN ou d’AAB imposable lors de l’achat et pendant la possession du bien par votre société que si elle supporte plus de coûts que ce qu’elle devrait, en fonction de sa part dans les droits de propriété. À la fin de l’indivision, vous pouvez aussi être imposé sur un ATN ou un AAB si vous ne payez pas le prix du marché à votre société.
Attention ! Il s’agit donc d’une situation différente de celle où votre société et vous achetez un bien de manière scindée (nue-propriété/usufruit), auquel cas la division se fait en fonction de la nature des frais, les frais d’entretien étant p.ex. entièrement à la charge de votre société usufruitière.