SUCCESSION - 03.07.2015

Comment déshériter pour partie un de vos enfants (pour son propre bien) ?

Quand des parents envisagent de déshériter un enfant dans une large mesure, c’est qu’ils ont une bonne raison pour ce faire. Souvent, ils le font même dans l’intérêt de l’enfant.

Dans quelle mesure pouvez-vous aujourd’hui déshériter un enfant par le biais d’une donation ou d’un testament ? Dans quelle mesure la réserve légale limite-t-elle votre liberté ?

Comment tenir compte de ces limites en combinant donation ou testament avec d’autres techniques ? Des donations «silencieuses» sont-elles une solution ? Quand une «clause d’accroissement» peut-elle offrir une solution (partielle) au problème ? À quoi vous montrer attentif, en pratique ?

l’intérêt des enfants

Le contexte

Si vous voulez déshériter (en partie) un enfant, c’est en général pour une bonne raison. Si un enfant a p.ex. accumulé des dettes, son héritage ne servirait qu’à combler un puits sans fond. Si un enfant ne peut gérer de l’argent, il vaut parfois mieux qu’un frère ou qu’une soeur reçoive sa part pour le tirer d’affaire (financièrement) par la suite. Ou peut-être voulez-vous donner un peu plus à celui de vos enfants qui est atteint d’un handicap ?

Les limites

Vos enfants sont des héritiers réservataires (art. 913 et suiv. C. civ.) et ont donc toujours droit à une part de votre succession : celle-ci correspond à la moitié pour un enfant unique, aux 2/3 (en tout) pour deux enfants et aux 3/4 pour trois enfants. Cette réserve se calcule sur ce que serait votre succession si vous n’aviez pas fait de donation (art. 920 et suiv. C. civ.) . Par le passé, vous pouviez aisément avantager un enfant grâce à une assurance vie (Branche 21 ou 23 p.ex.), mais il n’est plus possible de contourner ainsi la réserve depuis quelque temps déjà.

On évoque depuis longtemps déjà un assouplissement de ces règles, mais on attend toujours de voir si un nouveau régime viendra et quand. Sous ce nouveau régime, les parents devraient toujours laisser au moins la moitié de leur succession à leurs enfants, quel que soit le nombre de ceux-ci. L’autre moitié, ils pourraient la laisser à qui bon leur semble. Il deviendrait aussi possible d’établir par avance des conventions relatives à une succession.

Comment procéder ?

Une rente viagère

Si vous voulez déshériter votre enfant unique ou tous vos enfants, vous pouvez p.ex. vendre votre immeuble en rente viagère ou mettre de l’argent dans des produits de type «rentier» qui produisent eux aussi une rente viagère. Dans la mesure où vous consommez vos revenus mensuels, il ne restera plus rien pour personne en bout de course. Par contre, si vous ne voulez déshériter (en partie) qu’un enfant déterminé, vous devrez trouver une autre solution.

Un testament

La rédaction d’un testament reste naturellement une façon simple et peu coûteuse de déshériter en partie un enfant, tant que vous respectez les limites de sa réserve. Si vous avez trois enfants, leur réserve commune est de 3/4 de votre succession et donc la quotité disponible de 1/4 seulement.

Des donations «silencieuses»

Bien des parents donnent de temps à autre quelque chose de leur vivant à un de leurs enfants. Vous pouvez alors choisir si vous le faites «en avancement d’hoirie» (vous voulez une égalité complète entre vos enfants) ou «hors part» (pour avantager l’un d’eux). Vous faites bien sûr ce que vous voulez de la «quotité disponible», mais à votre décès, c’est à une masse fictive (incluant les donations) qu’on se référera pour voir s’il y a eu attente à la réserve ou pas. L’enfant dont la part réservataire a été entamée peut alors intenter une «action en réduction».

De ce fait, des donations ne sont en principe pas un moyen de déshériter. C’est toutefois pour une part de la théorie, surtout si les parents n’attendent pas d’être (très) âgés pour faire de discrètes donations. En pratique, en effet, des donations qui ont été faites par don manuel ou même don bancaire ne remonteront pas à la surface après 10 ou 20 ans. En principe, le fisc ne peut, dans le cadre d’une enquête bancaire, demander de lui fournir des extraits de compte (ou des transactions telles qu’un achat de fonds de placement) au-delà des trois années qui précèdent le décès. S’il demande des renseignements pour une période plus longue, il doit avancer des faits précis : p.ex. la vente d’un gros immeuble quatre années avant le décès (art. 100 C. succ.) .

Une réserve d’usufruit

Vous pouvez parfaitement déshériter des enfants par le biais d’une donation s’ils y consentent, du fait p.ex. qu’ils comprennent parfaitement que vous le faites pour que leur frère/soeur handicapé reçoive plus tard tous les soins requis. Votre donation doit alors être assortie d’une réserve d’usufruit (ou d’une charge de rente viagère) et les autres enfants doivent y consentir en intervenant à l’acte de donation (art. 918 C. civ.) . Et là, autre avantage, vous conservez les revenus (intérêts et dividendes p.ex.) des biens donnés (p.ex. un portefeuille de titres) tant que vous vivez.

Limiter votre patrimoine propre

Si vous êtes marié en séparation des biens et si l’enfant à déshériter provient de votre précédent mariage ou précédente relation, vous pouvez le déshériter en faisant en sorte, au moyen d’un contrat de mariage, que votre patrimoine soit le plus possible au nom de votre partenaire et le moins possible à votre propre nom.

Une donation à votre conjoint, ce n’est pas une solution, puisque la réserve de votre enfant se calcule sur une masse fictive qui inclut toutes les donations que vous avez faites de votre vivant.

Vous appauvrir, cela a bien sûr un gros revers, à savoir que vous êtes pieds et poings liés à votre «riche» partenaire. Vous perdez quasi tout contrôle... En pratique, cette technique, efficace en soi, s’utilise toujours combinée à d’autres : une société de droit commun p.ex. Si les statuts de cette société sont faits sur mesure, vous pouvez, même en n’ayant fait qu’un apport limité, tout contrôler encore dans une large mesure et vous assurer, p.ex. comme co-gérant statutaire, de tout décider de concert avec votre «riche partenaire».

Une clause d’accroissement

Cette clause s’utilise souvent pour déshériter les enfants au bénéfice d’un nouveau partenaire. C’est un contrat aléatoire par lequel le survivant devient, au décès de l’autre partenaire, le plein propriétaire de tous les biens sur lesquels porte la clause. Contrairement à une idée répandue, une telle clause ne peut pas seulement s’appliquer à des immeubles, mais aussi à des meubles (un portefeuille de titres p. ex.).

Comme vos enfants d’une précédente relation n’héritent pas automatiquement de votre nouveau partenaire, vous pouvez vous servir d’une telle clause pour les déshériter (en partie). Attention, il est de la plus haute importance que la clause soit correctement rédigée. Puis, il doit apparaître clairement qu’on est face à un contrat aléatoire, ce qui peut poser problème s’il y a une trop grande différence d’âge entre les partenaires.

conseils

  • Un enfant unique, sans doute pouvez-vous le déshériter en grande partie en mettant vos avoirs en rente viagère. Pour ne déshériter qu’un seul de vos enfants, vous devrez combiner des techniques.
  • Votre possibilité de déshériter par le biais de donations ou d’un testament est en effet limitée par la réserve légale de vos enfants. Des donations «silencieuses» faites longtemps avant votre décès ne referont sans doute plus surface à ce moment-là.
  • Vu que vos enfants d’une précédente relation n’héritent pas automatiquement de votre nouveau partenaire, une clause d’accroissement, par laquelle le survivant devient le propriétaire de certains biens (meubles ou immeubles), constitue souvent une bonne solution. Attention à bien la formuler toutefois et à avoir effectivement un contrat aléatoire.
  • Si vous limitez votre patrimoine propre au bénéfice de votre partenaire par le biais d’un contrat de mariage, vous pouvez vous assurer d’encore tout contrôler en constituant une société de droit commun.

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