FRAIS PROFESSIONNELS - 03.07.2015

Le fisc peut-il rejeter ainsi des frais de voiture «exagérés» ?

Souvent, le fait que vous circuliez avec une luxueuse voiture de société, cela fait tiquer un contrôleur, qui juge alors déraisonnable une partie des frais et tente de la rejeter.

Quand a-t-on effectivement des frais qui «dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels» ? Existe-t-il des règles générales à ce sujet ? Que doit alors prouver le fisc et quelle preuve vous faut-il de votre côté apporter ?

Le fisc rejette parfois des frais de voiture du fait qu’ils dépassent une fois et demi l’indemnité kilométrique des fonctionnaires. À juste titre ? Qu’en dit la jurisprudence ? Quand des frais de voiture sont-ils effectivement exagérés ?

la déduction des frais

En principe, c’est déductible

Des frais professionnels sont des frais liés à votre activité que vous faites pour acquérir ou conserver des revenus imposables. Si vous pouvez en prouver la réalité et le montant, ils sont en principe déductibles fiscalement (art. 49 CIR 92) .

Pas de jugement d’opportunité

Le fisc ne peut pas rejeter la déduction de frais professionnels qu’il ne trouve pas opportuns ou utiles. Un contrôleur ne peut pas se substituer à vous et s’immiscer dans la façon dont vous organisez votre entreprise. Il ne peut p.ex. pas vous soutenir que vous pourriez tout aussi bien faire vos déplacements en Toyota Yaris plutôt qu’en BMW 5.

Un tel «jugement d’opportunité» lui est interdit. La jurisprudence l’a confirmé à plusieurs reprises (p.ex. Cass., 05.06.1975 ; Gand, 10.02.2000 ; Bruxelles, 21.06.2001) et le fisc lui-même le reconnaît à présent aussi (Com. IR 92, n° 49/15 et 53/185) .

Rejeter une partie déraisonnable

Le fisc peut rejeter la déduction de la partie des frais qui dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels (art. 53, 10° CIR 92) , en ce sens qu’ils sont plutôt dictés par le désir ou le souci d’afficher un certain statut social, de mener un certain train de vie, d’entretenir des relations sociales et mondaines d’un certain niveau, etc. (Com. IR 92, n° 53/181) .

Le fisc ne peut rejeter que la partie «déraisonnable» des frais, pas la totalité de leur montant. Cette possibilité de rejet constitue une exception à la déduction de principe des frais professionnels et, de ce fait, la jurisprudence doit en donner une interprétation limitative (Anvers, 02.01.1995) . En la matière, dit le fisc, il faut agir avec le maximum de discernement et les contrôleurs doivent se montrer vigilants, mais aussi objectifs et raisonnables (Com. IR 92, n° 53/187) .

Une limite de déduction spécifique

Si les frais que le fisc juge déraisonnables sont déjà soumis à une limite de déduction spécifique (frais de voiture ou de restaurant p.ex.), le fisc doit d’abord limiter leur montant à leur partie raisonnable, puis appliquer la limite spécifique de déduction à celle-ci (Com. IR 92, n° 53/184, 2°) .

la preuve à apporter

La charge de la preuve

C’est à vous de prouver que des frais sont professionnels et répondent donc aux conditions de l’article 49 du CIR 92. Si vous y parvenez, c’est au fisc de prouver le cas échéant qu’une partie est déraisonnable.

Prouver le caractère déraisonnable

Le caractère déraisonnable de frais est à apprécier en fonction des circonstances de fait de chaque dossier et non en fonction d’une norme générale (Liège, 12.03.1999) . Une appréciation qui doit reposer sur des éléments tant quantitatifs que qualitatifs propres aux frais exposés (Com. IR 92, n° 53/188) . Le fisc doit donc démontrer que l’objet des frais et leur montant sont déraisonnables par rapport aux activités exercées (Gand, 10.02.2000 et 25.11.2014) . Le caractère déraisonnable est à établir et motiver pour chaque poste de frais séparément. Un contrôleur ne peut donc pas qualifier ainsi des frais de déraisonnables et les rejeter pour le tout (Cass., 21.06.2013 ; Anvers, 02.01.1995 ; Bruxelles, 15.11.2012 et Gand, 11.06.2013) .

Puis, c’est un point important aussi, le fisc reconnaît, en soutenant que des frais sont en partie exagérés et donc à rejeter, qu’il s’agit en tout cas de frais professionnels, qui sont donc au moins en partie déductibles. Le fisc ne peut pas dire en même que des frais ne sont pas professionnels et sont par ailleurs exagérés. Sinon, son imposition est arbitraire et doit être annulée (Bruxelles, 24.04.2008) .

Des frais supérieurs aux revenus ?

Le fait que les frais exposés dépassent les revenus recueillis ne prouve pas en soi qu’ils sont déraisonnables pour autant (Cass., 23.04.2010 ; Anvers, 09.06.1993 et 23.11.1999) . En effet, des frais ne donnent pas toujours les résultats escomptés (Gand, 13.09.2005) . Néanmoins, une disproportion qui persiste des années durant entre les revenus et les frais peut être un indice du fait que les frais dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels (Gand, 09.12.1999 et 27.03.2012 ; Anvers, 06.06.2000) . Les besoins professionnels doivent en effet aussi se voir en fonction des revenus et s’il n’y en a pas ou guère, de revenus, des années durant, les besoins professionnels sont à vrai dire quasi inexistants.

les frais de voiture

Le coût kilométrique

La plupart des litiges relatifs à des frais déraisonnables concernent des frais de voiture. Le fisc considère en principe que des frais de voiture sont déraisonnables quand ils dépassent en moyenne, au kilomètre, une fois et demi l’indemnité kilométrique versée à des fonctionnaires pour une voiture comparable (Com. IR 92, n° 53/189) . Une méthode que rejettent toutefois la plupart des décisions de justice, dès lors que le fisc ne peut pas apprécier le caractère déraisonnable des frais d’après une norme générale (Bruxelles, 04.03.2009 et Liège, 27.11.2013) .

Une voiture de luxe

Le fisc voit rarement son action couronnée de succès lorsqu’il veut limiter les frais d’une (seule) voiture (de luxe). Ainsi a-t-il échoué dans sa tentative pour les frais d’un solide 4X4 utilisé dans le port d’Anvers (Anvers, 21.12.1999) , d’une Porsche appartenant à la société d’un courtier d’assurances (Trib. Gand, 22.05.2012) ou encore d’une coûteuse Mercedes qui avait eu un impact négatif sur le résultat d’exploitation de l’exercice où elle avait été achetée (Gand, 05.10.1995) .

Citons, comme contre-exemple, celui où une société avait pris une voiture de sport en leasing pour son administrateur délégué, en prétendant que celui-ci rendait souvent visite aux clients chez eux, mais sans pouvoir le prouver par le moindre document ou élément objectif (Anvers, 17.01.2012) .

Plusieurs voitures

Le fisc obtient par contre régulièrement gain de cause lorsqu’il rejette (en partie) les frais d’une ou de plusieurs voitures, dans des cas où il y a plus de voitures que de personnes actives dans l’entreprise (Bruxelles, 04.03.2009 et Gand, 18.10.2005) . C’est ainsi que le fisc a rejeté à juste titre (Trib. Louvain, 10.12.2012) les frais d’une Jaguar, en les qualifiant d’exagérés, dans une société qui ne comptait qu’un seul dirigeant qui avait déjà deux Mercedes à sa disposition.

conseils

  • Le fisc ne peut pas émettre de jugement d’opportunité et donc pas rejeter la déduction de frais du seul fait que ceux-ci ne lui apparaissent pas opportuns ou utiles.
  • S’il peut prouver que des frais «dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels», il ne peut rejeter que la partie exagérée de ces frais.
  • À lui de prouver que les frais sont exagérés en fonction des circonstances de fait et non par référence à une norme générale. Aussi obtient-il rarement gain de cause quand il rejette des frais de voiture au motif qu’ils dépassent, au kilomètre, une fois et demi l’indemnité kilométrique versée aux fonctionnaires.
  • Par ailleurs, le fisc l’emporte aussi rarement quand il tente de rejeter les frais d’une voiture (de luxe), du moins si vous prouvez que cette voiture vous sert à des fins professionnelles. En revanche, s’il y a plus de voitures que de personnes actives dans l’entreprise, le fisc se voit donner régulièrement raison.

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