Une donation nulle : toujours un problème ?
Deux types d’erreurs. Dans le cadre d’une donation (notariée) directe, il y a rarement des problèmes. Ce n’est par contre pas toujours le cas pour une donation indirecte (p.ex. un don bancaire). Les erreurs les plus fréquentes sont le non-respect d’une exigence de forme ou la violation du principe d’irrévocabilité.
Exigences de forme. Une donation directe de biens mobiliers n’est valable que moyennant le respect d’un certain nombre d’exigences de forme. Elle nécessite un acte notarié en minute (art. 931 C. civ.) , accompagné d’un état descriptif et estimatif des biens donnés (art. 948 C. civ.) . Une donation peut toutefois aussi s’effectuer de manière indirecte via un autre acte neutre en soi et qui n’implique donc pas nécessairement une donation. Songez p.ex. à un virement bancaire ou au paiement d’une facture. C’est le contexte de cet acte juridique qui déterminera s’il s’agit d’un acte à titre onéreux ou gratuit. Un virement bancaire vous permet p.ex. d’effectuer tant un acte à titre onéreux (p.ex. un prêt) que gratuit (une donation). Si vous voulez faire une donation, vous devrez indiquer clairement dans un écrit distinct (des lettres recommandées ou un «pacte adjoint») que ce virement constitue une donation indirecte. Mieux vaut ne pas indiquer la mention «donation» sur le virement, car celui-ci risque alors de perdre sa neutralité et de devenir une donation directe, mais alors en méconnaissance des exigences de forme.
Irrévocabilité. Une donation est en principe irrévocable (art. 894 C. civ.) . Le donateur ne peut pas révoquer la donation de manière unilatérale ou se réserver le droit de revenir sur celle-ci. Une donation n’est toutefois révocable que si le bénéficiaire ne respecte pas ses conditions. Seules les donations faites entre époux, pendant le mariage et hors contrat de mariage, sont toujours révocables (art. 1096 C. civ.) .
Sanction : la nullité. Si vous ne respectez pas les exigences de forme ou violez le principe de l’irrévocabilité, la donation sera frappée de «nullité absolue», ce qui signifie que toute personne intéressée (c.-à -d. tant le donateur que le bénéficiaire) peut en invoquer la nullité. Par ailleurs, en cas de contestation, un juge doit invoquer la nullité d’office, donc même si aucune des parties ne l’a invoquée. La possibilité d’intenter une action en annulation se prescrit toutefois après dix ans (art. 2262bis C. civ.) .
Une solution ? On ne peut réparer par aucun acte confirmatif les vices d’une donation entre vifs, nulle en la forme (art. 1339 C. civ.) . La seule solution consiste donc à refaire la donation en n’indiquant plus p.ex. la mention «donation» sur le virement bancaire. L’inconvénient est cependant que le délai de trois ans endéans lequel des droits de succession sont toujours dus en cas de décès du donateur, ne commencera à courir qu’à partir de la date de la nouvelle donation (valable).
Décès du donateur : nullité relative. Après le décès du donateur, la nullité devient relative (art. 1340 C. civ.) . Cela signifie que seuls les héritiers du donateur peuvent encore invoquer la nullité. Et inversement, en n’invoquant pas cette nullité, les héritiers peuvent confirmer la donation. Si vous avez fait une donation à votre enfant unique ou si vous avez donné la même chose à tous vos enfants, il y a donc peu de chances que quelqu’un invoque encore la nullité.
Problème ou opportunité ? L’irrévocabilité de la donation constitue souvent une pierre d’achoppement dans le cadre d’une planification patrimoniale. Les parents veulent certes donner, mais ils aimeraient quand même aussi conserver un «moyen de pression». Comme une donation ne peut être révoquée qu’en raison d’un manquement du bénéficiaire à l’une de ses obligations, la volonté du donateur proprement dit ne constitue pas un motif de révocation. Nous pouvons dès lors nous demander si le fait que la donation soit nulle est vraiment si problématique. De ce fait, le donateur a en effet la possibilité, du moins pendant dix ans, de faire déclarer la donation nulle. Le fait que le donateur puisse ainsi faire «annuler» la donation constitue dès lors peut-être une issue au «problème» de l’irrévocabilité.